Les écoles d’ingénieurs du Madrillet participent à un projet fou : préparer et faire rouler une voiture de course sans conducteur. Top départ le 15 novembre 2025 à Abu Dhabi.
Le 15 novembre 2025, l’équipe française FR4IAV sera sans doute fébrile et concentrée dans le box, pour le départ du challenge A2RL sur le célèbre circuit de Yas Marina à Abu Dhabi.
Quinze jours avant le dernier grand prix de F1 de la saison, onze équipes venues de dix pays vont participer à cette course. Et, fierté locale, une partie de l’équipe française vient de l’Esigelec et de l’Insa, les deux écoles d’ingénieurs de Saint-Étienne-du-Rouvray. Et, plus fou encore : il n’y aura pas de pilote dans la voiture.
A2RL, dont c’est la deuxième édition cette année, veut dire Abu Dhabi Autonomous Racing League. Le mot le plus important ici est « autonomous ». L’A2RL est une course de voitures autonomes, qui ressemblent à des vraies voitures de course monoplace (elles peuvent rouler à plus de 250km/h), mais sans conducteurs, ni guidage à distance. Autopilotées par de l’intelligence artificielle (IA) et de la technologie embarquée.
Une course contre la montre
Comment des étudiants et des ingénieurs-chercheurs du technopôle du Madrillet se sont-ils retrouvés dans cette aventure? Grâce à Massimiliano Balestreri, ingénieur dans l’automobile et homme d’affaires investi depuis dix ans dans les véhicules autonomes, via notamment NextMove et le Groupement Aladin. Fin 2023, il approche écoles d’ingénieurs et autres partenaires pour les embarquer dans ce projet. Et ce fut d’abord une course contre la montre : les ingénieurs ont eu moins d’un an pour concevoir, développer et tester les logiciels, les algorithmes, le software, la robotique et les contrôleurs IA qui allaient équiper et faire avancer la voiture. D’abord sur simulateur, puis sur le bolide à Abu Dhabi, où une partie de l’équipe est présente depuis plusieurs semaines.
« On a fait des choses qui n’avaient jamais été faites auparavant, il y a une émulation, une excitation, avec de très bons étudiants qui ont travaillé pendant leur temps libre, qui suivent le projet après l’obtention de leur diplôme et ont mis des CDI en pause pour participer à la course », explique Elisa, une des jeunes ingénieures de l’Esigelec impliquée dans le projet.
Un programme sur trois ans
Des mois de travail acharné et passionné, qui ne déboucheront sans doute pas sur un podium le jour de la course, avoue Massimiliano Balestreri. L’équipe française débute par rapport à d’autres concurrents et a peu de chances de gagner. Mais la vraie victoire est ailleurs :
« L’A2RL vise à créer une nouvelle discipline du sport automobile, mais c’est surtout un terrain d’essai, un laboratoire pour le véhicule autonome à haute vitesse, une compétition d’ingénieurs issus des écoles et des universités les plus prestigieuses du monde, alliés à des entreprises innovantes de la nouvelle mobilité. Les grands constructeurs ne sont pas impliqués, on part de la base, des étudiants et des PME. C’est exceptionnel », explique Massimiliano Balestreri, qui croit dur comme fer que la voiture autonome fera partie du quotidien de demain.
Retour à Yas Marina. En 2024, pour la première édition de l’A2RL, tout n’était pas au point, les voitures autonomes donnaient l’impression (au moins en vidéo) de sortir du nid et d’apprendre à rouler. Mais l’équipe FR 4IAV, engagée pour trois ans dans ce projet, l’assure : ce sera différent cette année, avec des voitures autonomes mieux préparées, et qui roulent si vite qu’elles sont déjà dans le futur.
Comment ça marche (ou roule) ?
Les voitures de l’A2RL sont des bases « normales » de bolides monoplace à moteur thermique, fournies par l’organisation de la course. Chaque équipe dispose d’une seule voiture, qu’elle doit entièrement équiper pour développer son autonomie. Intégration de radars, de lidars (comme un radar en 3D), de caméras, de capteurs, d’adresses IP, de réseaux et de software en tous genres… Côté mécanique, la voiture est suivie par un mécanicien, comme n’importe quelle voiture de course. Pendant la course, les équipes peuvent suivre les constantes de la voiture sur des écrans, à distance, et agir sur la puissance et donc la vitesse. Mais il n’y a pas de télécommande pour prendre la main sur la conduite. Seulement un bouton « stop » pour forcer l’arrêt en cas d’urgence. Avec la haute technologie embarquée, chaque voiture coûte un million d’euros : ce serait dommage de transformer l’A2RL en course de stock-car.
Le Madrillet, berceau de la voiture autonome
Jusqu’à une date récente, on pouvait croiser dans les rues du Madrillet des panneaux annonçant « véhicules autonomes connectés en circulation ». Pour de vrai, oui : dans les années 2018-2020, des Renault Zoé électriques et autonomes ont circulé à titre expérimental, pour tester le lancement de voitures-taxis autonomes, qui aurait été une première en Europe.
Nommé Rouen Normandy Autonomous Lab, ce projet a été abandonné il y a trois ans, en raison de problèmes technologiques et de choix industriels et financiers.