Fiche d’identité
Naissance : 19 mai 1887, Caudebec-lès-Elbeuf (76).
Décès : 11 mai 1915 (27 ans), Neuville-Saint-Vaast (62).
Profession : rattacheur, puis journalier.
Grade : soldat, 224e Régiment d’Infanterie, classe 1907.
Campagne contre l’Allemagne : 4 août 1914 au 11 mai 1915 (9 mois).
À quoi ressemblait-il ?
Gustave Blé mesurait 1m58. Il avait le crâne rasé, les yeux châtains et était tatoué aux deux bras.
Il avait un niveau d’instruction primaire, ce qui signifie qu’il avait terminé l’école primaire à 13 ans, sans passer le certificat d’études.
Il était marié à Yvonne Laguière et vivait au 21 rue de la République, à Elbeuf.
Biographie
Gustave Léon Blé naît à Caudebec-lès-Elbeuf (76) le 19 mai 1887. Sixième né d’une fratrie de huit enfants (dont sept garçons), il grandit auprès de ses parents ouvriers textiles, qui s’installent à Elbeuf avant 1891. L’arrivée à l’adolescence semble compliquée… En 1904, Gustave Blé, alors âgé de 17 ans, est condamné à un an de prison pour « coups » par le tribunal de
Rouen. En 1908, il est condamné à de nombreuses amendes pour « ivresse ». La même année, il se présente aux bureaux de l’Armée afin d’effectuer son service militaire obligatoire. Dans le dossier de renseignements alors complété, on apprend qu’il est rattacheur et qu’il vit avec toute sa famille rue Sevestre aîné, à Elbeuf. D’octobre 1908 à décembre 1910, il sert au sein du 106e R.I. (Régiment d’Infanterie), dans l’est de la France.
Rendu à la vie civile, il revient à Elbeuf où il devient journalier. Gustave Blé y épouse Yvonne Laguière en août 1913. La jeune fille, de six ans sa cadette, est originaire de Saint-Étienne-du-Rouvray (76), où vivent ses parents.
Lorsque la guerre éclate, en août 1914, Gustave Blé est immédiatement mobilisé et rejoint le 224e R.I., avec l’un de ses frères aînés, Raoul (né en 1882). Le régiment se rassemble à Bernay (27) avant d’être envoyé vers la frontière belge. Le pays allié est envahi par l’armée allemande et la France se porte à son secours. Sans avoir encore connu les premiers combats, le 224e R.I. doit se replier face à la rapide progression ennemie : c’est la Retraite. Gustave Blé et ses camarades font pour la première fois face aux Allemands dans la Marne, au nord de Reims, en septembre 1914. Ils y demeurent jusqu’à la fin de l’année, avant d’être acheminés vers la Somme, à l’est d’Albert (80).
Début mai 1915, le régiment se déplace vers l’Artois et Neuville-Saint-Vaast (62), où une nouvelle offensive doit être menée. Le 11 mai, les ordres sont envoyés. La 22e compagnie, à laquelle appartient Gustave Blé, doit tenir la première ligne. Hélas, les mouvements préparatoires sont aperçus par l’ennemi, qui dirige vers les troupes françaises un terrible feu d’artillerie. Malgré cela, les hommes sont envoyés vers les objectifs, qu’ils doivent prendre coûte que coûte. Le Journal de marche du 224e R.I. raconte que l’on distribue aux soldats des masques et des tampons, pour faire face aux tout nouveaux gaz asphyxiants. Le régiment subit de lourdes pertes. Gustave Blé, âgé de 27 ans, est porté disparu. Son frère, Raoul Blé, subira le même sort deux semaines après, à 8 km de là, le 25 mai 1915. Il semble que la famille soit assez rapidement tenue au courant de la disparition de Gustave Blé (probablement par un courrier du frère aîné, Raoul, qui ne peut avoir manqué la disparition de son cadet). Sa jeune épouse, Yvonne Laguière, qui est venue s’installer chez sa mère à Saint-Etienne-du-Rouvray (au 221 rue de la République), reçoit une lettre du ministère des Armées, le 15 juin suivant, expliquant que l’on n’a pas de renseignements précis concernant le sort du soldat Blé… Un avis officiel de disparition sera émis en février 1916, mais le décès ne sera reconnu que sur décision du Tribunal civil de Rouen, en 1921… !
Citation au Journal officiel de la République française, 6 octobre 1922 : « Brave soldat. Tombé glorieusement pour la France, le 15 mai 1915, devant Neuville-Saint-Vaast. »
Le sort d’une veuve de guerre…
Lorsque Gustave Blé disparaît, en mai 1915, son décès n’a rien d’officiel. Son épouse, âgée de 21 ans, n’est donc pas veuve au regard de la loi française. Elle ne peut ni recevoir de pension, ni divorcer, ni se remarier… On sait grâce aux archives qu’Yvonne Laguière accouche d’une petite fille, Arthémise Blé, le 9 janvier 1919. Selon l’Etat civil, Arthémise est la fille de Gustave Blé, porté disparu. Bien entendu, il ne s’agit pas de son enfant, mais quelques soient les conditions de sa naissance, la fillette est considérée comme fille légitime d’un soldat disparu depuis 4 ans. Toute cette histoire (qui se termine mal, la mère et la fille décédant à un mois d’écart en août et septembre 1919) est révélatrice des très difficiles conditions de vie des compagnes des soldats disparus à la guerre. Le jour où le soldat meurt, elles ne deviennent pas veuves au regard de la société et de la loi. Elles commencent seulement un long et douloureux parcours…
Pourquoi Gustave Blé figure-t-il sur le monument aux morts de Saint-Étienne-du-Rouvray ?
Si la famille de l’épouse de Gustave Blé est stéphanaise, il semblerait que le couple ait exclusivement vécu à Elbeuf. L’acte de décès du soldat y situe sa dernière adresse légale. Lorsque le monument aux morts est construit et que l’on dresse la liste des noms devant y figurer, Yvonne Laguière, veuve de Gustave Blé, est déjà décédée. La présence de son nom sur le monument relève probablement d’une demande de sa belle-mère. On retrouve par ailleurs également son nom sur le monument aux morts d’Elbeuf, où résidait le reste de la famille Blé.
Une famille dans la guerre
Issu d’une grande fratrie, Gustave Blé n’est pas le seul fils de la famille à partir au front.
- Albert (né en 1880), le 1er fils de la famille, fait toute la guerre dans l’artillerie et est blessé en 1917.
- Henri, le 2e fils (né en 1881), est fait prisonnier en septembre 1914 et n’est libéré et rapatrié en France qu’en décembre 1918.
- Raoul (né en 1882), le 3e fils (et jumeau de Marie, la seule fille de la famille), est porté disparu le 25 mai 1915, deux semaines après son cadet, au même endroit. Il a alors 32 ans.
- Charles (né en 1885), le 4e frère, est réformé et échappe à la guerre, à cause de sa mauvaise santé.
- Henri (né en 1891), le benjamin de la famille, est au service militaire quand la guerre éclate et il combat au sein du 17e B.C.P. durant tout le conflit. Remarqué pour son énergie et son courage, il reçoit, dès novembre 1914, la croix de guerre avec étoile d’argent.
Sources : fiche matricule, actes de naissance, de mariage et de décès, archives municipales de Saint-Étienne-du-Rouvray, état civil de Caudebec-lès-Elbeuf et d’Elbeuf, fiche MdH, Livre d’Or, J.M.O et Historique régimentaire du 224e R.I.
Autrice : Ariane Biard, professeure d’Histoire-Géographie et Abigail-Diamant MOKAKO, 3eC, collège Paul Eluard, 2025.