“Correspondances”: quand collégiens et seniors stéphanais s’écrivent des lettres

Après plusieurs ateliers d’écriture où ils se sont échangés des lettres, jeunes et moins jeunes se sont rencontrés pour la première fois le 7 décembre à la bibliothèque Elsa-Triolet. Photo : Loïc Seron

Le projet « Correspondances » a invité vingt et un collégiens et douze seniors stéphanais à s’écrire des lettres avant de se rencontrer en chair et en os. Ce dispositif, porté par le Département et les bibliothèques stéphanaises, contribue à donner le goût de l’écriture tout en tissant des liens entre les générations.

Ils sont venus avec des fleurs, elles, avec des bonbons. Des cadeaux pour une première rencontre, au sein de la bibliothèque Elsa-Triolet, après avoir échangé par courrier tout au long du mois de novembre. Le dispositif « Correspondances » a permis à des élèves de 6e du collège Robespierre de correspondre avec des femmes seniors habitant dans la résidence autonomie Ambroise-Croizat, en Éhpad ou fréquentant le restaurant senior Geneviève-Bourdon. Six ateliers d’écriture ont été menés, de manière séparée, par l’autrice Valentine Passemard. « L’idée est de développer l’envie d’écrire sans la peur de mal faire, et de se rendre compte qu’en quelques mots on peut accéder à l’intimité de l’autre. » C’est elle qui a joué le rôle de factrice, portant près de 80 lettres entre les deux groupes.

Un exercice de liberté

À l’heure des SMS et de l’instantanéité, la lettre est un exercice d’introspection, de patience et d’aventure. « C’est comme jeter une bouteille à la mer », souligne Valentine Passemard. Après avoir étudié des lettres d’écrivains, les élèves se sont projetés mentalement dans la vie de leurs correspondantes et ont suivi les conseils de l’autrice pour se raconter. « C’est la première fois que j’écris une lettre. J’ai raconté à Nicole mes projets et je voulais savoir comment on se sent quand on est vieux », explique Aymen. « Attendre une lettre, c’est un peu comme attendre une surprise », ajoute Imene. Pour les seniors, c’est aussi se plonger dans ses souvenirs et s’ouvrir aux préoccupations de la nouvelle génération. « Je pensais, au début, que l’exercice serait plus scolaire mais il est en fait très personnel », remarque Charlette.

Des mots contre la solitude

« Je me sens souvent seule, confie Nicole. Je ne vois presque jamais mes petits-enfants. Ces lettres m’ont fait du bien. » Elles permettent souvent de rompre l’isolement dont souffrent de nombreuses personnes âgées. Alors que certaines parlent du quotidien et des loisirs, d’autres s’ouvrent sur des confidences émouvantes. « C’est comme si tout à coup on est destinataire d’une spontanéité à laquelle on n’a pas l’habitude. On ne se connaissait pas et pourtant on a développé une relation unique », s’enthousiasme Évelyne. L’occasion de se découvrir aussi des points communs intergénérationnels. « On s’est rendu compte qu’on aimait tous les deux le club de foot ASMCB ! », s’exclame Ayoub, ravi de cette proximité insoupçonnée. Compréhension de l’autre Si l’écriture permet de travailler l’expression de soi, elle favorise la compréhension de l’autre . « Cet échange épistolaire a sensibilisé certains élèves au ressenti des personnes âgées et les a amenés à agir envers elles avec plus de respect », souligne Naïma Tremoulet, professeur de français qui a participé au projet avec la professeur-documentaliste Maria Rouget. Certains correspondants ont déjà prévu de se revoir et de s’écrire. Une boîte aux lettres est mise à leur disposition à la bibliothèque. Et Adam de conclure : « J’avais déjà écrit au Père Noël, maintenant j’écris à Évelyne ! »

 

INTERVIEW

« Une expérience d’écriture et de rencontre »

Valentine Passemard, autrice et factrice du projet « Correspondances », fondatrice de la start-up de médiation culturelle Musair. – Photo : Loïc Seron

C’est avant tout la fluidité de l’expression que vous recherchez…

Oui, j’essaie d’aider chacun à se livrer pour exprimer ses émotions, en sortant du cadre scolaire. C’est souvent une expérience marquante pour tous ceux, et ils sont nombreux, qui pensent qu’ils ne savent pas écrire.

Comment avez-vous aidé chacun à prendre la plume ?

Avec les collégiens, nous avons étudié des lettres d’écrivains, de Léopoldine Hugo à sa tante et de Marie Curie à ses filles, puis je leur ai proposé un schéma comme un itinéraire de bus.
On commence par écrire son prénom, décrire sa chambre, s’imaginer l’autre, poser une question. Une phrase en amène une autre. Avec les seniors, il s’agit davantage de convoquer des souvenirs. Comment étaient-elles à 12 ans ? Quelles sont les lettres qui ont marqué leur vie ?

« Correspondre » a ce double sens : échanger par lettres mais aussi être équivalent, similaire. Jouez-vous sur ces deux aspects ?

J’associe parfois les correspondants mais les lettres restent généralement secrètes. C’est souvent très naturellement que les points communs se découvrent et que l’on finit par se reconnaître dans l’inconnu qui habitait à quelques pas de chez nous.

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