Étoile qui danse, étoile qui pense

Les élèves des classes à horaires aménagés danse (Chad) du collège Louise-Michel ont pris la philo à bras-le-corps. Quand la danse embrasse l’esprit, les êtres « osent » devenir eux-mêmes.

«Avant, j’étais celui qui n’osait pas danser. »  L’entrée en matière de François Houssé aura eu la vertu escomptée. Du statut d’élèves écoutant le maître, les jeunes danseurs et danseuses de la Chad devenaient d’un coup des êtres dont un philosophe cherche à comprendre pourquoi, eux, « osent » danser… « Au début j’avais un peu honte, confie l’un des jeunes danseurs, mais quand on y réfléchit on se rend compte qu’on danse tout le temps. Quand je m’habille, je fais des gestes utiles, mais il suffit que je fasse les mêmes gestes à vide, un peu plus lentement, un peu plus grand et je suis en train de danser. C’est ça oser danser. » « Moi, j’ai besoin de danser pour m’exprimer », lâche à son tour une camarade. « Oui, on se lâche parce qu’on se sent bien accueilli par les autres, le corps se décomprime. Par contre, quand on n’est pas accueilli, le corps se durcit, c’est plus difficile mais on danse quand même. »

Renouer corps et pensée

Les paroles des jeunes danseuses et danseurs s’enchaînent à bâtons rompus. Et dans un beau fouillis, parfois. Certains se lèvent, esquissent quelques pas, comme si le corps avait quelque chose à dire d’impérieux, de plus fin et de plus sensible que les mots. Mais ce doux désordre reste propice à la pensée, les élèves ne perdent pas le fil. Les idées fusent dans ces cerveaux bien faits, pas encore trop contraints (éteints ?) par les regards extérieurs. « Il faut du chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse », disait Friedrich Nietzsche. Le philosophe aux grosses moustaches avait bien compris que la pensée rationnelle occidentale s’était éloignée du corps – et qu’il était temps de lui rendre non pas son enveloppe mais sa chair, sa sensualité. « Quand je danse, je me sens vraiment bien. Il faut juste que ce soit simple et joli » ; « On a une danse pour chaque émotion » ; « Danser, c’est être tous ensemble pour exprimer des émotions, on doit tous être d’accord pour faire le mouvement », expliquent de concert les élèves de la Chad, pas si éloignés que ça de la pensée du moustachu. Quoi qu’il en soit, les comètes de pensée ont filé à toute allure lors de ces trois séances de danse-philo, en janvier et février. Le territoire de la danse qui s’est ouvert aux questions de François Houssé s’est révélé porteur des plus grandes et des plus belles interrogations qui soient…

Le temps d’une danse

« Est-ce qu’on peut se forcer à aimer ? », leur demanda-t-il alors que la question des amitiés et des inimitiés se posait au sein du groupe. « On n’est plus des enfants, lui a répondu une jeune danseuse. On peut laisser nos différends de côté le temps d’une danse. » « Pourquoi être utile ? Pourquoi ne pas l’être ? », demande alors le philosophe. « Parfois on me dit que danser ne sert à rien. Et je pense qu’ils ont raison. D’autres fois, je me dis que c’est important de donner du temps à des choses qui ne servent à rien. Les choses qui servent peuvent devenir poétiques et celles qui ne servent à rien peuvent d’un coup servir à quelque chose. Quand je danse, je me sens bien. Là, ça sert à quelque chose. » Tant de questions aussi vastes que la vie et tant d’horizons plus vastes encore ! Aujourd’hui, François Houssé « ose » danser. Et c’est peut-être cette chose un peu « bizarre » qu’est la danse qui lui a permis de faire briller les jeunes élèves, tels des étoiles nées du chaos…

Votre navigateur est dépassé !

Mettez à jour votre navigateur pour voir ce site internet correctement. Mettre à jour mon navigateur

×