Document d’archive: la commune il y a cinq siècles

Un beau document conservé par les archives départementales représente Saint-Étienne-du-Rouvray à la fin du XVIe siècle. Allons-y faire un tour…

On pourrait presque s’y retrouver. En bas à droite, le long de cette longue voie qui serait aujourd’hui l’avenue de la République, s’élève l’église (1). Un peu plus bas du côté gauche de la même voie, c’est le domaine du sieur Hanyvel, où l’on trouve encore les vestiges d’un manoir (2). Plus haut sur le même axe, à la limite de l’actuelle Sotteville-lès-Rouen, on voit un bourg déjà nommé Quatre-Mares (3). Plus bas à gauche, l’enceinte du château Madrillet (4). Encore au-dessus est écrit « bruyères et sablonnières » (5)… Pas de doute, nous sommes bien sur le territoire de Saint-Étienne-du-Rouvray et du bas de Sotteville. Pas aujourd’hui mais à la fin du XVIe siècle.

Coloré et plein de détails

Ce plan, révélé par les archives départementales de Seine-Maritime après avoir passé quelques siècles dans les archives de Rouen (lire interview), laisse rêveur. Il est coloré, plein de détails, ce pourrait être le travail d’un artiste. Les champs labourés, les arbres, les chemins, les fossés, le moulin, les maisons et même un laboureur qui pousse sa charrue : tout y est esquissé et bien représenté, accessible à notre regard du XXIe siècle. Le document d’origine est composé de trois feuilles de papier chiffon collées entre elles et, déplié, il mesure 90 cm x 40 cm. Il ressemble à d’autres documents de sa lointaine époque, tout en se distinguant par la beauté de son aquarelle, ses couleurs, ses détails et bien sûr le fait qu’il offre une rare représentation de Saint-Étienne-du-Rouvray au XVIe siècle.

Des terres vaines et vagues

À vrai dire, même si ses dimensions d’origine et ses pliures le rapprochent d’une bonne vieille carte Michelin, ce document n’est pas un plan pour trouver son chemin, ni une production artistique. C’est un document administratif, la partie illustrée d’un acte signé en 1587 et qui concerne une transaction foncière entre le seigneur Hanyvel et la Ville de Rouen. Environ 200 hectares de terres « vaines et vagues » comme on dit alors, des prairies entre la forêt et les terres cultivées, jouxtant le domaine Hanyvel, et qui correspondent aujourd’hui plus ou moins au Val-l’Abbé. Non signé, ce plan a été dessiné et peint par un arpenteur, joint à un acte notarié et à une lettre manuscrite du seigneur Hanyvel, puis porté par chevaucheur au maire de Rouen ou à son échevin.
Rouen est encore à l’époque la deuxième ville du royaume après Paris et ses terres de la rive gauche servent de pâturages, de réserve forestière et pour l’agriculture. C’est ce qu’on voit sur le plan, avec au centre les trois parcelles cultivées et les sillons des labours. La fonction du plan est de situer les terres concernées par la transaction, ainsi que leur voisinage. Les noms des propriétaires et seigneurs locaux sont indiqués, avec leurs prénoms parfois : Jacques de Civille, Péricard, Nicolas Delaplace, Jehan Vivian, Thomas Dumontier et bien sûr le dit Robert Hanyvel, qui s’était engagé à creuser des fossés lors de l’échange de terres.

« Un rare témoignage iconographique de l’époque »

INTERVIEW: Marie-Blaise Groult, cheffe de service aux archives départementales.

Comment avez-vous identifié ce document ?
Il est issu du fonds ancien de la Ville de Rouen qui est en dépôt depuis 2012 aux archives départementales et toujours en cours de classement. On a trouvé ce document dans une liasse avec trois autres plans mais ils n’étaient plus dans leurs dossiers d’origine. C’est un jeu de pistes pour retrouver le contexte de ce document. On l’a restauré puis présenté l’an dernier dans le cadre de l’exposition « Rouen retrouvée », pour illustrer un propos sur les terres que Rouen possédait dans les faubourgs, majoritairement rive gauche. Il est maintenant dans la réserve des documents précieux, déplié et conservé à plat, dans les meilleures conditions possibles.

En quoi est-il particulièrement intéressant ?
On trouve plein de documents comme celui-là. Mais c’est un rare témoignage iconographique de l’époque pour ce secteur. C’est un très joli plan peint à l’aquarelle, ambitieux et réussi, avec beaucoup de détails, comme l’église, le moulin ou les deux personnages. Il a été fait par quelqu’un qui était habitué à dessiner et qui s’est fait plaisir. Les trois autres plans qui l’accompagnent n’étaient pas colorés. Celui-là était le plus beau.

Article initialement paru dans Le Stéphanais 294
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