La culture impatiente de retrouver le public

Au Rive Gauche, le public revient. Mais des spectacles ont encore été récemment annulés pour cause d’Omicron. Photo: Loïc Seron.

Pour les salles de spectacles, l’arrivée du variant Omicron et les mesures sanitaires ont cassé l’élan de la reprise. Sans pour autant remettre en question l’envie de retrouver le public.

Jour de spectacle en ce mercredi 26 janvier au Rive Gauche. Tout est prêt pour accueillir Umwelt de la choré- graphe Maguy Marin quand, patatras, un cas de Covid chez les danseurs oblige à tout annuler. « Toute l’équipe a décroché le téléphone pour prévenir un à un chaque spectateur, puis nous avons envoyé des mails, utilisé nos réseaux sociaux… Au final, ils ne sont que cinq à ne pas avoir eu l’information à temps, mais nous assurions de toute façon une permanence à l’entrée pour leur expliquer », raconte Raphaëlle Girard, la directrice du théâtre stéphanais. « C’est la quatrième fois de la saison que cela arrive. »

Une multitude de facteurs

Une situation que connaît bien Jean- Christophe Aplincourt, le directeur du 106, grande salle de concert de musique actuelle à Rouen. « En janvier, nous avons eu huit dates annulées ou reportées », détaille celui qui a aussi été concerné par l’interdiction des concerts debout jusqu’au 16 février. « En septembre, on sentait une reprise, plus de visibilité dans les annonces que nous pouvions faire, même si la fréquentation était entre 20 et 30 % inférieure à la période avant covid. » Comme ses confrères, le patron du 106 constate que les amateurs de spectacle vivant ont du mal à retrouver le chemin des scènes locales ou nationales. Surtout avec l’arrivée d’Omicron. Éric Boquelet, le directeur du Trianon Transatlantique de Sotteville-lès- Rouen, l’explique par une multitude de fac- teurs : « La peur d’être au milieu d’autres gens, la contrainte du passe sanitaire devenu vacci- nal, le fait de ne jamais savoir si le spectacle aura bien lieu, la prise de nouvelles habitudes en restant davantage à la maison… »

Les artistes en devenir peinent à remplir

Au Rive Gauche, le choix a été fait de modifier le système d’abonnement au profit d’une carte ouvrant droit à un tarif préférentiel. « Cela offre plus de souplesse », assure sa directrice qui n’enregistre qu’environ 15 % de spectateurs en moins. Mais, globale- ment, tous affirment que « baisser les tarifs » n’offre aucune garantie de remplissage. « Et surtout ça dévalorise le travail des artistes », insiste Éric Boquelet.
Si les têtes d’affiche arrivent tout de même à tirer leur épingle du jeu, les artistes en devenir peinent à remplir. « On a du mal à faire notre travail de mise en avant de nou- veaux talents car le public se concentre sur des valeurs sûres », remarque Jean-Chris- tophe Aplincourt. Autre facette durement impactée, l’ouverture vers les publics qui ne viennent pas spontanément dans les salles de spectacles. « Les contraintes sanitaires ont limité l’accueil des scolaires par exemple, rappelle Raphaëlle Girard. Et pas seulement récemment, mais depuis deux ans. Alors que justement l’école peut être une formidable porte d’entrée vers la culture. » Une porte qui, toutes et tous l’espèrent, va rapidement se rouvrir en grand.

Les bibliothèques, elles aussi essentielles

Mises en avant au plus fort de la crise sanitaire, les librairies ont bénéficié d’un coup de projecteur qui ne s’est pas braqué sur les bibliothèques. « Et pourtant, depuis la fin du premier confinement, nous sommes restées ouvertes », souligne Catherine Dilosquet, la responsable du réseau stéphanais. Et si selon elle les « grands lecteurs ont continué à emprunter des livres, ce sont plutôt les lecteurs occasionnels qui ont perdu l’habitude de venir ». Au final, la fréquentation a chuté d’environ 30%. Et les événements culturels organisés par ses équipes souffrent également à l’image du festival Evasion « qui a attiré bien au-delà de la commune, mais il a fallu déployer beaucoup d’énergie », assure Clémence Delhommelle, chargée de la programmation culturelle, en insistant néanmoins sur le fait que « c’est en continuant à proposer des rendez-vous avec le même enthousiasme que les gens vont revenir ».

PASS CULTURE

De 20€ à 300€ pour les 15-18 ans

Initialement destiné aux jeunes de 18 ans, le pass culture est désormais accessible
à partir de 15 ans pour tous les élèves scolarisés en France. Après une inscription
via l’application smartphone du même nom, l’argent du pass Culture permet par exemple d’aller au théâtre, de voir un film ou un spectacle, prendre des cours de photo, un abonnement à un magazine, à de la musique en ligne, ou acheter un roman ou un manga. Après activation, le compte pass culture est crédité de 20 euros pour les jeunes âgés de 15 ans et 30 euros pour ceux de 16 et 17 ans. Les sommes sont cumulables et expirent la veille des 18 ans. Le pass culture est alors crédité de 300 euros.

Plus d’infos : pass.culture.fr

INTERVIEW

« Une mauvaise réputation injustifiée »

À la tête du Théâtre à l’Ouest à Rouen, Loïc Bonnet est aussi président de l’Association des théâtres privés en région.

Comment se déroule cette saison qu’on annonçait comme celle du renouveau ?

On l’espérait, mais on a vite vu que ce serait plus compliqué, avec en prime l’arrivée d’Omicron. Des habitudes ont été perdue, d’autres se sont créées. Et il y a une frilosité ambiante qui ne touche pas que l’univers du spectacle où l’on constate entre 20 et 40 % de baisse de fréquentation.

Comment l’expliquez-vous ?

Les facteurs sont multiples, mais il est certain que les messages pas toujours très clairs envoyés au public n’ont pas aidé. Les salles de spectacles ont été victimes d’une mauvaise réputation injustifiée alors que chacun a joué le jeu des gestes barrières, de la distanciation… Au final, aucune étude en France ou en Europe n’a montré que nous étions des lieux de contamination privilégiés, des clusters. Et pourtant nous avons été pointés du doigt.

D’où peut venir le retour à des jours meilleurs ?

On les espère depuis un moment, mais pour cela il faut que tout le monde se sente en confiance.

Ce qui est rassurant, c’est qu’on s’est aperçu que ceux qui assistaient aux spectacles le faisaient avec beaucoup de plaisir. Et c’est vrai pour tous les âges. On pensait que les seniors seraient les plus frileux, alors qu’en fait ils ont été parmi les premiers à revenir.

 

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