Quand le public appelle aux dons…

Le secteur de la santé n'a pas d'autre choix que de faire appel à la générosité des citoyens. Photo: Jean-Pierre Sageot.

Le secteur hospitalier multiplie les appels aux dons. Le gouvernement appelle lui aussi à la générosité privée. Pourtant la France continue de subir une fraude fiscale massive et l’État se montre peu volontaire pour y remédier…

Masques, sur-blouses jetables, lunettes de protection, produits désinfectants, argent… Les hôpitaux publics lancent des appels aux dons. Les centres hospitaliers universitaires de Rouen (CHU) et du Rouvray (CHR), les centres de consultation mis sur pied par les soignants, comme celui de Saint-Étienne-du-Rouvray, la Fondation des hôpitaux de Paris, etc., la liste s’allonge chaque jour.

Mardi 31 mars, le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, y allait également de son «appel à la solidarité nationale», et créait une plateforme destinée à recueillir le soutien financier des particuliers et des entreprises pour venir en aide aux petites entreprises et aux travailleurs indépendants.

«Incurie de l’État»

Hubert Wulfranc, le député communiste de la la troisième circonscription de Seine-Maritime, semonce durement ces choix politiques:

«Ça fait des mois et des mois que les hôpitaux portent l’alerte au sujet du manque de moyens. Aujourd’hui, avec le Covid-19, les services publics de santé sont dans un tel désarroi qu’ils sont contraints de faire appel à la générosité des populations. Tous les jours, au plus haut niveau de l’État, les responsables avouent leur totale incurie vis-à-vis de cette crise. Sauf que cette incurie n’est pas subie, elle est le produit direct des années d’amputations des moyens des services publics et tout particulièrement de l’hôpital. Ces appels aux dons du gouvernement mettent en exergue les affres de leurs politiques depuis des années».

Des masques mais bientôt plus de savon…

Au CHR, Jean-Yves Herment, représentant CFDT ne décolère pas: «On se croirait en Roumanie dans les années 1980, grince-t-il, c’est dingue, on est tous obligés de faire appel à la générosité privée.» Le soignant annonce néanmoins la livraison de 25.000 masques au CHR hier mercredi 1er avril «mais on s’inquiète maintenant au sujet des stocks de savon liquide!».

2 millions pour Notre-Dame et rien pour lutter contre le virus

La colère est également palpable chez les citoyens, comme en témoignent les commentaires reçus sur la page Facebook de la Ville au sujet de l’appel lancé conjointement par la Ville et le centre de consultation qui ouvre aujourd’hui 2 avril à la salle festive:

«Vous demandez à nous gens du peuple de vous fournir des masques FFP2, des blouses, des thermomètres et de la javel???? Ça craint vraiment, ça fait peur même!!! on est en France pas dans le tiers monde quand même

«Exact, 2 millions d’euros en 1 semaine pour Notre-Dame de Paris avec réduction d’impôts de moins 66%!!! évidemment les riches ont participé mais pour le virus pas 1 centime d’euro! ça leur rapporte rien!»

Des milliards… et un hold-up

Le gouvernement annonce néanmoins vouloir injecter plusieurs milliards d’euros dans la santé (4Md€ pour Santé publique France auxquels s’ajoutent 2 Md€ déjà budgétés et 5Md€ pour la recherche scientifique), tandis que la Banque centrale européenne (BCE) a débloqué une enveloppe de 750Md€ pour faire face aux conséquences économiques de la pandémie à l’échelle de l’Union.

Un communiqué de presse du 25 janvier 2019 émanant de la Fédération hospitalière de France (FHF) dénonçait toutefois, de la part de l’État, «un véritable hold-up» des finances des «1000 hôpitaux publics et des 3800 établissements sociaux et médicosociaux [qui] doivent faire face à des plans d’économies drastiques et des coupes budgétaires décidées au niveau national» (8,6 Md€ d’économie demandés aux établissement de santé depuis 2005).

Fraude fiscale massive

Ces efforts demandés au système de santé posent question lorsque la Cour des comptes révélait en novembre dernier qu’elle était dans «l’impossibilité de produire un chiffrage global» de la fraude fiscale mais estimait cependant que la fraude à la TVA représente en France 15Md€ par an et celle aux cotisations sociales des entreprises un «montant supérieur [à] 8,5Md€».

La Cour des comptes indique également, assez pudiquement, que l’État ne produit pas les efforts nécessaires pour lutter contre la fraude fiscale…

Le syndicat Solidaires finances publiques dénonce quant à lui une fraude annuelle de 80Md€.

L’économiste britannique Richard Murphy estimait en janvier 2019 que l’écart fiscal en France, à savoir la différence entre l’impôt théorique et l’impôt réellement prélevé, était de 117,9 Md€ en 2015…

Espérons que les fraudeurs aux poches pleines verseront leur obole aux hôpitaux. À défaut de payer leurs impôts comme tout le monde.

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