RLPI: un règlement métropolitain avec la publicité pour cible

La publicité dans l’espace public existait bien avant les panneaux d’affichage (photo Loïc Séron)

Avec le RLPI (règlement local de publicité intercommunal), la Métropole se dote d’un outil pour maîtriser et harmoniser la place de la publicité extérieure dans ses soixante et onze communes, dont Saint-Étienne-du-Rouvray. Le point sur les publicités qui seront ciblées dans quelques années.

On ne peut pas faire ce que l’on veut en matière de publicité dans l’espace public. Il existait jusqu’à présent un règlement national et certaines communes, comme Saint-Étienne-du-Rouvray, avaient un règlement local. Le 12 décembre dernier, la Métropole a voté une réglementation applicable à ses soixante et onze communes. Objectifs ? Harmoniser les pratiques publicitaires extérieures et imposer des règles plus strictes pour améliorer notre cadre de vie. Cela concerne les publicités, les pré-enseignes (ces panneaux indiquant la proximité d’un commerce par exemple) et les enseignes (qui indiquent les commerces eux-mêmes). Après une phase de diagnostic et de concertation qui a duré deux ans, cette réglementation intercommunale a été arrêtée, redéfinissant le nombre, les formats et l’implantation de ces dispositifs.

Finis, les formats publicitaires XXL de plus de 12 m2 dans le coeur des villes. Désormais, ils ne devront pas dépasser 4,7 m2 pour la publicité classique, 2,5 m2 pour les publicités numériques et 2 m2 pour le mobilier urbain d’information locale.

Plus petits, moins nombreux et moins lumineux

De manière générale, le RLPI réduit le nombre de publicités et d’enseignes et interdit les publicités sur les toitures, sauf dans les zones commerciales. Tous les dispositifs numériques extérieurs seront interdits sur l’essentiel du territoire de la Métropole sauf en zone d’activité où ils seront autorisés dans un format réduit. Pareil pour la publicité lumineuse, seulement autorisée dans les zones d’activité commerciale et sur certains Abribus du centre-ville, dans les plages horaires de circulation des bus. Le but est de faire des économies d’énergie, de limiter la pollution lumineuse et de préserver la biodiversité. « Il s’agit, en effet, d’un jeu d’équilibre entre la protection du cadre de vie et de l’environnement, la prise en compte des intérêts des acteurs économiques et la nécessité démocratique de permettre l’expression d’opinions plurielles, souligne Laurence Bavant, chargée de concertation et de collaboration avec les communes de la Métropole. Les entreprises d’affichages publicitaires et les associations ont joué le jeu du dialogue », poursuit-elle.

En 2021 et 2022, la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) payée par les annonceurs a respectivement représenté 258 000 et 230 000 euros de recettes pour la Ville, qui possède son propre règlement local sur la publicité (RLP) depuis 1988 (photo Loïc Séron)

À Saint-Étienne-du-Rouvray, ça change quoi ?

« La Ville suivait les lois nationales et possédait un RLP (règlement local de publicité) qui datait de 1988 et qui était devenu caduc depuis cet été », explique Sylvie Sellier, aux services techniques de la Ville. C’est elle et ses équipes qui vont devoir instruire ce nouveau règlement sur la commune qui est impactée sur 80 % de son territoire (classé en zone mixte urbaine). Les grands formats publicitaires de 12 m2, qui sont assez nombreux, vont disparaître. Les habitants qui en possèdent dans leur jardin devront donc s’en séparer. La plage d’extinction nocturne des affichages lumineux sera modifiée de 21 h à 7 h et touchera également un mobilier urbain large (sucettes…). La publicité sera interdite aux abords des parcs urbains pour préserver une trame “paysage et patrimoine”.

Côté démarche, Sylvie Sellier précise : « Pour installer une nouvelle enseigne, il faudra faire une demande préalable à la mairie qui délivrera une autorisation. Pour installer une nouvelle publicité ou une pré-enseigne, il suffira d’effectuer une déclaration à la mairie qui aura ensuite un mois pour vérifier si le dispositif installé respecte le nouveau règlement. » Cela va-t-il avoir un impact sur les recettes de la Ville ? La publicité extérieure est en effet soumise à une taxe, la TLPE (taxe locale sur la publicité extérieure), payée par les exploitants des supports publicitaires et versée à la commune. Instaurée par le maire depuis 2009, elle avait rapporté à la Ville plus de 258 000 euros en 2021. « À Saint-Étienne-du-Rouvray, nous soutenons la restriction de la publicité en ville, limiter les panneaux de 12m2 dans les zones d’habitat, cela me semble positif, explique Joachim Moyse. Mais il faut aussi tenir compte des intérêts des acteurs économiques, de la communication locale et citoyenne, et bien sûr de la recette générée par la publicité pour la Ville. Nous avons sur la commune des zones d’activités économiques qui doivent pouvoir communiquer. Donc restreindre oui, mais interdire non. »

Pré-validé en décembre dernier, le RLPI métropolitain ne signifie pas la disparition immédiate des panneaux publicitaires concernés. 2023 sera l’année d’une nouvelle consultation administrative, puis d’une enquête publique. Il pourra alors être définitivement approuvé en décembre 2023 et applicable dans la foulée. Les matériels existants devront ensuite être mis en conformité ou enlevés, dans un délai de deux ans pour les publicités et pré-enseignes et de six ans pour les enseignes.

L’application du RLPI ne devrait pas intervenir avant fin 2023 ou début 2024. Les panneaux seront alors régulés sur une période pouvant aller de 2 à 6 ans. La plupart de ceux voués à disparaître resteront ainsi en place jusque 2030.

Un RLPI, pour quoi faire ?

Moins de panneaux publicitaires trop grands et moches aux entrées des grandes villes, dans les sites paysagers ou les centres-villes : tout le monde est d’accord pour lutter contre cette pollution visuelle. De même, la limitation des enseignes lumineuses paraît logique dans un contexte de maîtrise de la consommation d’électricité. Mais l’affichage et la publicité dans l’espace public sont aussi des moyens de communication et d’information citoyenne ou culturelle, notamment à l’attention des habitants exclus des médias numériques. Et ils sont aussi une source de revenus pour les villes. C’est avec tous ces différents points de vue que va devoir composer le RLPI de la métropole rouennaise dans les années qui viennent.

Les publicités ciblées

Les enseignes : toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à l’activité qui s’y exerce. Elle peut également être apposée sur le terrain où celle-ci s’exerce.

La publicité : toute inscription, forme ou image destinée à informer le public ou à attirer son attention.

Les pré-enseignes : toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d’un site où s’exerce une activité.

« Moins de pub, c’est moins de stimulation donc plus d’apaisement urbain »

Interview d’Olivier Saladin, comédien et membre de l’association Paysages de France.

Pourquoi le RLPI n’est pas assez ferme à vos yeux ?

La publicité numérique est, par exemple, toujours autorisée dans les zones d’activité, ce qui est une aberration écologique et paysagère. Si les grands panneaux sont interdits, je crains qu’ils ne soient remplacés par davantage de mobiliers urbains. Un panneau de 2 m2 sur un Abribus est plus grand qu’un habitant, on ne peut pas se laisser manger ainsi par la publicité !

Vous soulignez des échéances de contrôle trop lointaines…

La loi ne s’appliquera que dans 2 ans pour les publicités et pré-enseignes et 6 ans pour les enseignes. C’est du temps perdu et la voie ouverte au laxisme et aux demandes de dérogation. C’est ce qui se passe déjà à Lyon qui avait édité un RLPI plutôt restrictif. Le maire gardera son pouvoir de police mais aura-t-il les moyens de faire appliquer ce règlement ? Notre association fait des relevés d’infractions sur le territoire et il faut déjà souvent attendre deux ans pour qu’un panneau illégal soit retiré.

En quoi la publicité est-elle une pollution à vos yeux ?

Elle défigure le paysage et agresse les habitants. Voyez les axes structurants des villes, ils sont saturés de panneaux. Internet demande notre consentement pour nous soumettre une pub alors que l’espace public nous l’impose, tuant notre libre arbitre. Je suis comédien, je parcours la France et, depuis une vingtaine d’années, j’ai vu la conquête des paysages par la publicité. On ne doit pas vendre ainsi notre espace public. Moins de pub, c’est moins de stimulation donc plus d’apaisement urbain. C’est aussi plus de beauté et donc, dans un cercle vertueux, moins de dégradations à venir.

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