Qui était Ambroise Croizat ?

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À l’heure où la régression sociale est planifiée par le gouvernement, retour sur l’homme qui a créé le système de Sécurité sociale (dont les retraites) en France.

Article paru dans le Stéphanais n°303

On croise son nom tous les jours dans la rue. Une avenue, une place ou un bâtiment public s’appellent Ambroise-Croizat, à Saint-Étienne-du-Rouvray et ailleurs, surtout dans les municipalités qui ont été ou sont encore communistes. Le 17 février 1951, une foule immense (on parle d’un million de personnes, comme dans une manif réussie) descend dans la rue pour accompagner son cortège funéraire jusqu’au cimetière du Père-Lachaise. C’est un héros du peuple, l’homme qui au sortir de la Seconde Guerre mondiale, devenu ministre, s’est battu pour inventer et instituer le système de Sécurité sociale moderne.

Ambroise Croizat fut surnommé le « ministre des travailleurs ». Sa biographie en bref : né en 1901 en Savoie, il est issu d’une famille d’ouvriers de la métallurgie et suit les traces de son père qui, en 1906, avait lancé une grève pour l’obtention d’une protection sociale. Il commence à travailler à l’âge de 13 ans, devient militant syndical puis député du Parti communiste à l’époque du Front populaire. Arrêté et emprisonné pendant la Seconde Guerre mondiale, Ambroise Croizat rejoint le gouvernement à la Libération, au poste de ministre du Travail entre novembre 1945 et mai 1947.

Avec son équipe et l’appui des organisations ouvrières, il met en oeuvre quelques-unes des plus importants acquis sociaux du XXe siècle : la Sécu, la médecine du travail, les allocations familiales, les comités d’entreprise, la formation professionnelle et bien sûr le système de retraites solidaires par répartition. Mais plutôt que d’acquis, Ambroise Croizat préférait que l’on parle de « conquis sociaux », parce que le combat fut rude et que rien n’est jamais gagné.

« L’invention sociale »

Après sa mort en 1951, le nom et le rôle d’Ambroise Croizat sont tombés dans un trou noir aussi opaque et injuste que celui de la Sécu. Les militants de gauche connaissent son importance, mais le « grand public » ne sait rien, faute d’information. Il faut attendre 2011 pour que son nom apparaisse dans le dictionnaire (cet ancêtre en papier de Wikipédia qui permettait aussi de se muscler les bras, pour les plus jeunes). À l’École nationale supérieure de Sécurité sociale de Saint-Étienne (dans la Loire, pas du Rouvray), on préfère mettre en avant Pierre Laroque, le haut fonctionnaire qui travaillait avec le ministre Croizat. L’histoire est écrite par les puissants, ceux qui ont le pouvoir, tiennent à le garder et cherchent à le reprendre. Ils ont du mal avec cet épisode de l’histoire où un homme venu de la classe ouvrière, affilié au Parti communiste et à la CGT, est devenu ministre et s’est illustré pour le bien commun et le service public.

« Croizat, c’est une fracture complète, c’est l’invention sociale, explique Michel Étievent, biographe de Croizat, dans le film La Sociale. Il laisse un héritage considérable. » Cet héritage que les gouvernements libéraux cherchent à nier et liquider depuis une trentaine d’années à coups de réformes, pour mieux confier la politique publique et la protection sociale au secteur privé et aux logiques d’équilibre financier. La réforme des retraites proposée par le gouvernement Macron, profondément réactionnaire (un retour en arrière) et anti-sociale, est une nouvelle atteinte à l’héritage d’Ambroise Croizat, et pas la moindre.

Sources : le film La Sociale de Gilles Perret (2016), qui retrace l’histoire de la création de la sécurité sociale à travers la figure d’Ambroise Croizat. Le DVD du film est disponible à l’emprunt dans les bibliothèques stéphanaises.


Une longue histoire

Avant l’ère industrielle, seule une minorité de travailleurs bénéficie d’un système de retraite, comme les marins (dès le XVIIe siècle) et les militaires. Au fil du XIXe siècle, alors que l’industrie a besoin de bras, des mesures sont créées dans certaines branches par les employeurs, les organisations ouvrières et l’État. Mais il faudra vraiment attendre 1945 pour que soient posées les bases du système actuel : régime général et retraites par répartition. Depuis, les réformes se suivent…

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