Science : nom féminin

L’exposition « La science taille XX Elles » présente des portraits de 48 femmes scientifiques. À découvrir sur www.cnrs.fr/fr/ cnrsinfo/la-sciencetaille- xx-elles

Méconnu et minoré, l’apport majeur des femmes scientifiques est réhabilité grâce aux actions d’associations comme Femmes & Sciences. Leur exposition « La science taille XX Elles » en partenariat avec le CNRS était visible jusqu’au 6 décembre sur le campus du Madrillet. Objectif : susciter des vocations dans un milieu encore trop masculin.

Article extrait du Stéphanais n° 301

Rosalind Franklin (chimiste, découvreuse de la structure de l’ADN), Marthe Gautier (médecin, découvreuse du chromosome de la trisomie 21), Jocelyn Bell Burnell (astrophysicienne, découvreuse du premier pulsar)… De nombreuses scientifiques ont révolutionné leurs disciplines respectives, sans jamais jouir de l’aura de leurs pairs masculins. Rien d’étonnant pour Christelle Rabier, historienne des sciences à l’École des hautes études en sciences sociales (Éhess) : « Les femmes subissent depuis très longtemps le sexisme du milieu de la recherche universitaire. Leurs travaux ne sont pas promus mais au contraire invisibilisés voire spoliés par des collègues masculins. » L’experte cite l’exemple de la britannique Rosalind Franklin, dont les travaux précurseurs sur l’ADN ont été spoliés par James Dewey Watson et Francis Crick. « Le pillage du travail de Franklin a valu à ces chercheurs le prix Nobel de médecine en 1962. La chercheure, elle, n’a eu droit qu’à une reconnaissance posthume. »

Ce phénomène est si récurrent qu’il a été théorisé par l’historienne Margaret W. Rossiter sous le nom d’ « effet Matilda ». En France, Marthe Gautier en a fait les frais, lorsque sa découverte du chromosome de la trisomie 21 a été attribuée à son collègue Jérôme Lejeune. Selon Christelle Rabier, le plagiat des travaux de femmes scientifiques perdure. « C’est un énorme phénomène, peu documenté et peu combattu dans le milieu de la recherche. »

Créer des vocations dans ce contexte d’invisibilisation de la contribution des femmes scientifiques est difficile. Moins de 30 % des scientifiques dans le monde sont des femmes, alors que ces dernières représentent la moitié de l’espèce humaine. Ce constat de l’Unesco se vérifie en France, où l’on compte seulement 28 % de femmes chercheures, toutes disciplines confondues.

Les femmes moins citées que les hommes

Les femmes scientifiques n’échappent pas au plafond de verre : elles restent largement minoritaires dans les postes de décision. Elles publient également beaucoup moins que leurs confrères, ce qui impacte négativement leurs carrières : d’après une étude d’envergure de l’Université de New York publiée dans la revue scientifique Nature, les chercheuses ont 13 % de chances de moins que leurs homologues masculins d’être citées dans un travail de recherche auquel elles ont pourtant participé.

Les biais sexistes commencent très tôt

Dans certaines filières, le fossé entre les hommes et les femmes est encore plus grand : ces dernières représentent à peine 18 % des chercheurs de l’Onera (Centre français de recherche aérospatiale) et 22 % des scientifiques de l’Inria (Institut de recherche en sciences et technologies du numérique). Cette sous-représentation des femmes dans la recherche scientifique, et en particulier dans les sciences dites « dures », s’explique avant tout par des stéréotypes de genre tenaces, véhiculés dans l’environnement familial mais aussi à l’école : « Les filles sont travailleuses et les garçons brillants », « Les filles sont douées en langues et les garçons en mathématiques », « Les garçons ont des aptitudes innées en sciences »… Pour lutter contre ces préjugés réfutés par les études en neurosciences, des associations comme Femmes & Sciences, Femmes & Mathématiques ou encore Femmes ingénieures interviennent dans les écoles et invitent enseignants et conseillers d’orientation à être attentifs à leurs biais sexistes, pour éviter de pénaliser les filles tout au long de leur parcours scolaire.

« Une question sociale »

Interview de Natalie Pigeard-Micault, historienne (CNRS), directrice adjointe du musée Curie (lieu de culture scientifique créé pour le rayonnement international de la science), à Paris.

Qu’est-ce qui perpétue aujourd’hui les stéréotypes de genre qui empêchent les femmes d’accéder à des carrières scientifiques ?

Ces stéréotypes peuvent être véhiculés pendant la scolarité, même s’il importe de souligner les efforts louables de l’école, primaire en particulier, pour déconstruire ces biais sexistes. L’éducation se fait aussi à la maison : les parents, notamment de par la répartition, équitable ou non, des tâches au sein de la famille, créent un modèle pour l’enfant. Le modèle de la mère plus disponible pour ses enfants et du père qui priorise sa carrière reste hélas assez répandu et constitue un frein au changement des mentalités.

Quels autres obstacles peuvent pénaliser les jeunes filles ?

La place des femmes dans les sciences est une question sociale. L’accès aux carrières scientifiques est ardu et coûteux : vu le nombre d’heures de cours hebdomadaires, il est difficile pour l’étudiante ou étudiant de travailler à côté et les bourses suffisent rarement à subvenir aux besoins d’un ou une élève en science, en particulier dans les grandes écoles. Or, on sait que dans les classes moyennes, quand on a des enfants des deux sexes, on va inconsciemment privilégier les études supérieures du garçon.

Que pensez-vous du travail de visibilisation des associations de femmes scientifiques, notamment auprès des publics scolaires ?

Ces initiatives sont d’autant plus importantes que les manuels scolaires citent hélas très peu d’exemples de femmes scientifiques. Elles montrent aux filles qu’il existe une diversité de femmes chercheures, dont certaines ont fait de grandes découvertes. Ces expositions et autres interventions devraient être proposées aux enfants dès le primaire.

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