Un Stéphanais à la CAN : le blog de Yanis

Habitant de Saint-Étienne-du-Rouvray, le jeune Yanis Hamadache est parti au Maroc assister au plus près à une partie de la coupe d’Afrique des nations de football 2025. Pour saintetiennedurouvray.fr, il raconte son expérience sous la forme d’un blog. Le résultat donne forme à plusieurs épisodes dépaysants où l’événement mondial laisse place au regard passionné d’un Stéphanais s’adressant aux lecteurs de toute sa ville. 

Episode 3 : Premier grand frisson

Aujourd’hui, le réveil a sonné à 8h30. Comme chaque matin, je commence par suivre les dernières informations autour de la Coupe d’Afrique des Nations. Après une douche rapide, toute l’équipe se retrouve pour un petit-déjeuner local marocain, simple et généreux.
Au menu, deux msemen, ces crêpes feuilletées typiques du Maroc, croustillantes à l’extérieur et fondantes à l’intérieur, accompagnées de deux verres de thé à la menthe, bien sucré. Un vrai carburant avant une grande journée. Le petit restaurant fait face à une école primaire : les enfants rient, traversent la rue, mangent avant de retourner en classe. Une scène de vie qui ancre encore plus le voyage.

Je suis comme un enfant, les yeux partout

Mais l’heure avance et l’excitation monte. Le premier match vécu depuis les gradins approche : République démocratique du Congo – Bénin. Dès l’extérieur du stade Al Madina, je comprends que cette journée restera gravée. L’avant-match est déjà exceptionnel. Les vuvuzelas, ces longues trompettes en plastique au son puissant, résonnent sans arrêt. Les chants montent, les tambours frappent, les danses congolaises envahissent les abords du stade. Ça saute, ça crie, ça sourit. Une ambiance brute, vivante, populaire. Je suis comme un enfant, les yeux partout, à tout regarder, à tout écouter. Puis vient l’entrée dans le stade. Et là, l’émotion est immense.

Je me laisse happer par la ferveur des supporters béninois

C’est mon premier match au stade et de ma vie dans cette Coupe d’Afrique des nations, et je prends conscience du moment. Je passe de la télé au stade, du stade Diochon à Rouen à une enceinte internationale. Je filme, je capture chaque instant pour l’émission Time Foot – spéciale CAN sur Beur FM, où j’interviens chaque soir en direct.
Au départ avec Mohamed, Abderrahmane et Amine, je me laisse happer par la ferveur des supporters béninois. Je les rejoins et je ne les quitte plus du match. Leur organisation est impressionnante : chants coordonnés, danses, réponses tribune contre tribune. L’ambiance sonore est constante, intense, vibrante. C’est mon premier match de la CAN, et il restera gravé pour toujours.

C’est aussi là que je réalise ce qu’est vraiment l’Afrique

C’est aussi là que je réalise ce qu’est vraiment l’Afrique : la générosité, le partage, l’accueil. Mon drapeau algérien circule de main en main, les gens prennent des photos avec moi en criant « One, two, three, viva l’Algérie ». On me parle de pays frères. J’échange même mon drapeau avec un jeune Marocain. Autour de nous, des Tunisiens aussi. Le Maghreb réuni, naturellement. Sans calcul. Juste le football.
À 21 heures, le match Tunisie–Ouganda se joue sous une pluie battante. L’ambiance est plus retenue, mais la passion est toujours là, malgré l’eau.
Mais ce que je garderai de cette journée, c’est avant tout ce premier match, cette première claque émotionnelle. RDC–Bénin, mon entrée dans la CAN. Et une certitude qui s’impose : l’Afrique, quoi qu’il arrive, en sort toujours vainqueur.

Episode 2 : Garage auto, omelette et longue soirée


Lundi 22 décembre, le réveil sonne à 9 heures. Je prends mon temps, je traîne un peu avant d’aller me doucher, allongé à faire défiler les informations et les résultats des matchs de la CAN. Le Maroc se vit au ralenti le matin, surtout après des journées aussi intenses que celles que je vis depuis mon arrivée.

Je suis ici avec Abderrahmane, le meilleur ami de mon père, un homme qui me connaît depuis que je suis petit et que je considère comme un oncle. Il y a aussi Mohamed le marocain, un autre ami de mon père et d’Abderrahmane, ainsi que son fils Amine. Nous formons presque une famille. Ce qui nous lie encore plus, c’est que nous venons tous de la même ville : Saint-Étienne-du-Rouvray.

« C’est un miracle que vous soyez arrivés au Maroc en vie. »

Après la douche, direction un garage. Sur la route, nous nous étions rendu compte que la voiture tirait légèrement sur le côté. Le verdict tombe : un plomb de roue est tombé en Espagne. Le mécanicien change les deux roues et nous lâche, presque choqué : « C’est un miracle que vous soyez arrivés au Maroc en vie. » On se regarde, un peu sonnés, mais soulagés.
Vers 10 heures, place au petit-déjeuner, dans un petit local très simple. À peine entré, je reconnais la voix de Fairouz, la diva de la chanson arabe, en fond sonore. Le lieu est tenu par Fatima et son mari. Ici, pas de carte compliquée : ils ne font que des omelettes. J’en prends une, accompagnée d’un jus.
Un mot : incroyable. L’huile d’olive, les olives noires, les épices… Tout rappelle que je suis bien au bled. J’ajoute bien sûr un thé très sucré, la base au Maroc.
Au moment de payer, surprise : rien à régler. Abderrahmane a discuté avec le mécanicien en arabe, lui expliquant que nous étions Algériens. Il nous a simplement dit : « Allez prendre le petit-déjeuner chez Fatima, c’est moi qui paye. » C’est aussi ça, le bled : on ne se connaît pas, et pourtant on se traite comme des frères.

impossible de trouver des billets le jour J

La suite de la matinée nous mène au Decathlon de Rabat. Mes chaussures ont pris l’eau la veille, complètement fichues. J’opte pour une paire simple, noire, Quechua waterproof. L’essentiel.
On espérait ensuite aller à Casablanca pour le match Mali–Zambie, mais impossible de trouver des billets le jour J. Tant pis. On roule pendant près de deux heures, on passe devant le nouveau stade Moulay-Abdallah, puis on se dirige vers Salé.
Ce qui me frappe à Rabat, c’est la propreté. Pas un déchet au sol. Les arbres sont taillés, la pelouse impeccable. Une ville droite, calme, presque irréprochable. En arrivant à Salé, le décor change : des quartiers plus populaires, plus bruts. Autre choc visuel : la mer, agitée, d’une couleur marron inhabituelle. Ici, l’humidité et le sel abîment les façades, beaucoup d’immeubles sont gris, rongés par le temps.

« Je fais une vraie cure de thé, ici, on en boit à toute heure, comme de l’eau.»

On s’installe dans un café pour suivre le match. Mali–Zambie : 1-1. De mon côté, encore un thé. Quand je viens au Maroc, je fais une vraie cure de thé : ici, on en boit à toute heure, comme de l’eau.
Il est déjà 17 heures, et la faim se fait sentir. Notre seul vrai repas, c’était l’omelette de Fatima… qui, contre toute attente, a tenu toute la journée. Direction le restaurant Dar Naji, où je me laisse tenter par un énorme burger américain.

« Des ambiances qu’on aime.»

La soirée se poursuit dans la médina de Rabat. Dans le souk, tous les commerces affichent des maillots du Maroc et des autres nations africaines. On sent que la CAN est partout. À un moment, des supporters marocains, tunisiens et algériens se regroupent. Un homme sort une enceinte, met de la musique, et tout le monde se met à danser. Une communion spontanée, belle, sincère. À 19h30, l’appel à la prière d’Al Aïcha retentit. En quelques secondes, le bruit laisse place à un silence apaisant. Tout s’arrête. Un calme qui fait du bien. À 20h30, Beur FM m’appelle (je suis correspondant pour cette radio, j’en parlerai plus précisément plus tard). Je passe en direct dans l’émission Special Time Foot, spéciale CAN, depuis Rabat. Autour de moi, des jeunes crient « Dima Maghreb », d’autres lancent « Vive le Maroc » en français. Des ambiances qu’on aime.
La fatigue commence à tomber. Direction le restaurant Rouge et Noir pour regarder Égypte–Zimbabwe. Je craque pour une crêpe Nutella-cookies. Les cris de Mohamed contre les joueurs égyptiens m’empêchent de m’endormir.
À 23h10, retour à l’hôtel.

Demain, réveil très tôt

Il est 1h50 quand j’écris ces lignes, allongé sur un matelas aux ressorts bien trop présents, pendant qu’Amine me fait écouter du rap. Leçon du jour : ne jamais juger un plat à sa taille. L’omelette de Fatima en est la preuve. Un régal total. Je vous laisse pour ce soir. Demain, réveil très tôt : je vais assister à deux matchs au stade. République démocratique du Congo–Bénin à 13h30, puis Tunisie–Ouganda a 21H00. Ça s’annonce incroyable, un vrai rêve éveillé.

Episode 1 : De la France au Maroc pour le match d’ouverture

Le périple pour rejoindre le Maroc a commencé le vendredi 19 décembre, avec un départ à 22h30. Direction le sud, à travers toute la France, avant d’atteindre l’Espagne et le port d’Algésiras. Ce qui m’a le plus marqué en traversant l’Espagne, ce sont les paysages. De grandes montagnes plongées dans un brouillard épais, qui rappelaient étrangement ceux de mon village kabyle en Algérie. Une beauté brute, presque nostalgique. Le temps pressait : seulement deux pauses de 30 minutes en Espagne, il fallait absolument arriver à temps pour le bateau.
Mais rien ne s’est passé comme prévu. En France, un détour forcé près d’Orléans, à cause de manifestations d’agriculteurs bloquant la route, nous a fait perdre un temps précieux. Résultat : le bateau de 20h30 est manqué. Arrivés au port, on nous annonce finalement un départ à 22h30.

Au port : une effervescence incroyable

Je descends alors de la voiture pour me dégourdir les jambes et là : je découvre une effervescence incroyable autour de cette Coupe d’Afrique des Nations. La majorité des voyageurs sont des Marocains de la diaspora, mais aussi quelques Comoriens et Congolais. Il pleut, mais l’air marin est agréable, presque apaisant. Finalement, l’embarquement n’a lieu qu’à 3h du matin. Je suis épuisé : des heures serré dans la voiture avec les bagages, des micro-siestes, peu de confort. Heureusement, sur le bateau, je fais une belle rencontre : Youssef, un Franco-Marocain de Lyon. Nous passons toute la traversée ensemble, à discuter et à rire, dehors sur les quais malgré la fatigue.

Ce qui me surprend le plus, c’est la pluie, intense, presque violente.

Arrivée au port de Tanger à 6h30 du matin. Mais l’aventure est loin d’être terminée. Les douaniers marocains contrôlent tout : papiers, véhicules, chiens renifleurs. Ce qui me surprend le plus, c’est la pluie, intense, presque violente. Une pluie comme je n’en avais jamais vue en Afrique du Nord. L’air marin est fort, et une odeur particulière flotte : difficile à décrire, mais elle signifie une chose — tu es au bled.
À 8h30, nous reprenons la route vers Rabat. Enfin, je peux manger un vrai petit-déjeuner. À 12h30, nous déposons nos bagages dans un hôtel magnifique : couleurs chaleureuses, dalle traditionnelle, salon marocain. Une mosquée est collée à la maison. À l’heure de la prière, tout s’arrête. Une autre façon de vivre.

Des Marocains viennent me serrer la main, me disent “Vive l’Algérie, nous sommes des pays frères”

Le soir, direction une fan zone, faute de billet pour le match d’ouverture Maroc–Comores. Sous la pluie, je mets un jogging. Je croise quelques influenceurs, puis je pose un drapeau algérien sur ma tête. Et là, une scène forte : des Marocains viennent me serrer la main, me disent “Vive l’Algérie, nous sommes des pays frères”. Un homme me donne même son écharpe du Maroc en cadeau. Les jeunes prennent des photos avec mon drapeau, les policiers parlent de fraternité et de football algérien.

Je rentre trempé de la tête aux pieds, mais heureux

Sur l’écran géant, le Maroc s’impose 2-0 face aux Comores. L’ambiance est magique : darboukas, sifflets, chants, un peuple entier derrière sa nation. Il pleut sans arrêt, je rentre trempé de la tête aux pieds, mais heureux. Le football nous a réunis. La pluie ne nous a pas fait partir.
Après l’effort, le réconfort : un énorme poulet fermier-frites, puis direction le lit. Il faut dormir, récupérer.
Demain, une nouvelle journée commence. Celle d’un jeune parti de son quartier, arrivé au cœur d’un événement planétaire : la Coupe d’Afrique des nations.