17 mai : une fête pour « enterrer » le contournement Est

Déclaré d’utilité publique en 2017, le projet contournement Est de la métropole de Rouen accuse plusieurs années de retard sur son calendrier prévu. Une situation qui redonne l’espoir aux opposants d’une annulation prochaine de ce projet vieux de plus de 50 ans.

Ce samedi 17 mai 2025, les abords du rond-point des Vaches avaient un petit air de kermesse. À l’appel du collectif Non à l’A133-A134, une centaine de personnes – militants, élus ou simples riverains – se sont réunis pour fêter avec anticipation l’abandon du contournement Est de la métropole de Rouen.

À la tribune, le maire de Saint-Étienne-du-Rouvray Joachim Moyse a pris la parole pour réaffirmer son opposition à ce qu’il considère comme un projet totalement dépassé : « L’avenir de la mobilité dans ce pays, ce sont les transports en commun, c’est le rail », a-t-il déclaré, en rappelant son soutien sans réserve au Service express métropolitain de Rouen (SEMR), sorte de RER qui devrait dans les prochaines années relier les différentes villes de la région rouennaise.

« Nous ne pouvons pas accepter cela »

Lors de sa prise de parole, le maire Joachim Moyse a également annoncé le retour des vaches sur le rond-point. Photo : Jean-Pierre Sageot

Accompagné de plusieurs élus locaux ou nationaux comme le maire de Oissel, Stéphane Barré, le député Édouard Bénard ou encore la coprésidente du groupe écologiste au conseil régional Laetitia Sanchez, l’élu stéphanais a rappelé les impacts locaux du contournement, dont l’une des branches devrait partir du rond-point des Vaches avant de traverser la Seine : « Cette infrastructure va voir la réalisation d’un viaduc de 14 mètres de haut avec toutes les pollutions atmosphériques, visuelles et auditives que ça implique, nous ne pouvons pas accepter cela. »

Haut lieu de la lutte des Gilets Jaunes qui maintiennent une occupation régulière grâce à une vaste cabane en métal, ces derniers ont d’ailleurs prêté main forte pour l’installation de l’événement. Arborant le gilet floqué d’une vache mugissante du collectif du rond-point, Carlos, rappelle que même si tous les Gilets jaunes ne sont pas opposés au contournement, ce n’est pas la première fois qu’ils se tiennent aux côtés des anti-autoroute : « On a déjà été avec eux sur plusieurs actions, quand il y avait eu la coupure de l’A13 durant des bâtons dans les routes [en mai 2023], il y avait eu des collègues à nous qui y ont passé la journée ».

Poursuivre la lutte

De leur côté, les riverains craignent les nuisances générées par l’autoroute. « Même si j’habite assez loin du futur viaduc, j’ai déjà le bruit du boulevard industriel quand les vents sont de mon côté », déclare Nathalie, une habitante de Oissel. Pour elle, même si le projet semble gelé, il n’est pas question de baisser la garde avant son abandon total : « On est devant des gens qui s’acharnent à faire de l’autoroutier partout donc tant qu’on ne nous dit pas “c’est annulé”, on reste là », déclare-t-elle en évoquant le vote le 15 mai dernier d’une loi permettant la reprise du chantier de l’A69, pourtant bloqué par décision judiciaire.

Partageant les appréhensions de son amie, Maire-Estelle doute que de nombreux usagers et transporteurs empruntent l’autoroute. Membre de l’association SOS gares, qui milite pour le développement du ferroviaire sur l’axe Sotteville/Saint-Etienne-du-Rouvray/Oissel, la Stéphanaise rappelle également la nécessité de poursuivre la lutte jusqu’à l’annulation définitive du projet : « On a nécessité de continuer à mobiliser parce que les gens ne savent pas forcément qu’elle sera payante et ne mesurent pas les conséquences écologiques. »

L’une des branches du projet d’autoroutes devrait partir du rond-point des Vaches avant de traverser la Seine. Photo : Jean-Pierre Sageot

Le SEMR, un pas de côté pour se passer de la voitures

Lancé en 2021, le projet du Service express métropolitain de Rouen (SEMR) a pour ambition de relier les différentes villes de la région rouennaise par desserte ferroviaire. Inscrit au protocole mobilité 2023-2027 du contrat de plan État-Région signé en juillet 2024, ce véritable RER rouennais devrait à terme permettre des déplacements rapides entre des communes parfois mal desservies par les transports en commun, en profitant des infrastructures ferroviaires déjà existantes.
Si le dossier de synthèse du projet ne sera présenté que cet automne, c’est un réseau à trois lignes qui semblerait se dessiner. D’après ces projections, la gare de Saint-Étienne-du-Rouvray serait incluse sur la ligne Elbeuf-Saint-Aubin/Yvetot ainsi que sur celle Louviers/Elbeuf via Rouen rive gauche.

 

INTERVIEW

« Cette autoroute constituerait un mur entre Saint-Étienne-du-Rouvray et Oissel »

Lydie Rousseau est présidente de l’association Non à l’autoroute (NALA), l’une des composantes du collectif Non à l’A133-A134 qui en compte plus de 50. Pour elle, en plus de ne pas désengorger le boulevard industriel, la future autoroute aura aussi un impact très lourd pour les habitants de Saint-Étienne-du-Rouvray et de Oissel.

Pourquoi un rassemblement au rond-point des Vaches ?

Le choix de ce lieu est très symbolique parce que c’est ici qu’arriverait l’A134, la partie connectée à la métropole de Rouen. D’ici, on voit en face de nous la colline des Authieux. C’est là d’où partirait un immense viaduc qui éventrerait la colline, qui passerait au-dessus de la Seine puis des voies ferrées, du rond-point des Vaches et arriverait au boulevard industriel et à la rocade Sud.

L’autoroute va-t-elle désengorger le boulevard industriel ?

Au contraire, pour les villes d’Oissel et de Saint-Étienne-du-Rouvray, ça va apporter des nuisances supplémentaires, beaucoup plus de poids lourds dont certains vont transporter des matières dangereuses. Ici, à proximité du rond-point des Vaches, on a un quartier qui s’appelle 1ère, 2ème et 3ème avenue qui va être très impacté et où les habitants ont créé une association.

Le viaduc ne risque-t-il pas de gêner les déplacements à pied ou à vélo entre Oissel et Saint-Étienne-du-Rouvray ?

Exactement, c’est aussi pour ça que Oissel et Saint-Étienne-du-Rouvray réclament l’abandon de ce projet, c’est parce que cette autoroute constituerait un mur entre les deux communes qui sont habituellement très proches.

De combien d’années le projet est-il en retard ?

Il faut savoir que ce projet a plus de 50 ans, il a été décrété en 1972 sous Pompidou puis a été reculé plusieurs fois. Lors de la dernière enquête publique en 2015, le calendrier prévoyait une ouverture en 2024, mais il a encore été reculé, monsieur Morin a dit dans ses réunions publiques qu’il était encore reporté d’au moins trois ans. Nous ce que nous demandons actuellement, ce n’est pas une nouvelle pause de trois ans, c’est que le Gouvernement décide enfin de l’arrêter complètement.

Ce retard préfigure-t-il une annulation ?

On ne va pas se démobiliser parce qu’il y a une pause. Au dernier contrat plan État-Région, la somme prévue pour le contournement Est de Rouen n’apparaît plus, on n’en parle plus. Il faut aussi que la région ait enfin le courage d’enfin annoncer son désengagement financier.