6es Assises de l’éducation (J1) : Mais si, les jeunes s’engagent !

«Le théâtre m’a appris le sens de l’engagement, la solidarité, le travail en équipe. J’ai gagné de la confiance en moi et appris à transmettre des valeurs à partir de l’art», a confié Ikram (à droite), qu a participé au projet Emma B avec l'Aspic. -Photo: Jérôme Lallier

En cette semaine stéphanaise consacrée à la jeunesse (plus d’infos), la première journée des 6e Assises de l’éducation s’est intéressée aux formes de l’engagement des jeunes, dans le domaine syndical, politique, associatif.

 

Les jeunes ne s’engageraient pas. Comme toute idée reçue, elle exige une analyse plus fine : « On parle beaucoup du déclin du syndicalisme, mais chaque génération est a-syndicale jusqu’à ce qu’elle devienne moins jeune, a ainsi décrypté Camille Dupuy, maîtresse de conférences en sociologie à l’Université Rouen Normandie. Cette question se pose depuis longtemps. Peut-être plus aujourd’hui, avec l’allongement de la période de précarité des jeunes. » Car ce n’est pas le fait d’être jeune qui nuit à l’engagement – syndical notamment – mais le fait d’être en intérim, en CDD, dans de petites entreprises. Inversement, les jeunes qui connaissent des conditions plus stables se syndiquent, ni plus ni moins que leurs aînés. Voilà pourquoi 2% des moins de 25 ans sont syndiqués, contre… 11% (seulement) pour la population dans sa globalité !

“On parle beaucoup du déclin du syndicalisme, mais chaque génération est a-syndicale jusqu’à ce qu’elle devienne moins jeune” – Camille Dupuy, maîtresse de conférences en sociologie à l’Université Rouen Normandie. – Photo: Jérôme Lallier.

La stabilité pour préalable

Aujourd’hui engagés, sous des formes très variées, dans les marches pour le climat ou pour l’égalité des genres, les jeunes ne sont en réalité pas si individualistes qu’on le laisse trop souvent entendre. Pas si hermétiques à l’action collective. D’ailleurs, quand on les retrouve dans les organisations syndicales, ils s’investissent, comme leurs aînés, dans l’accompagnement des personnes, dans les négociations collectives, pour faire remonter les situations d’injustice ou défendre les conditions de travail et le respect de la santé. « Ils revendiquent en revanche plus de collégialité et d’horizontalité dans le fonctionnement des organisations », a tenu à souligner Camille Dupuy. L’engagement syndical suppose donc, avant tout, une forme de stabilité.
Cette leçon transparait également de l’étude menée auprès de maires de moins de 35 ans, par Isabelle Lacroix, maîtresse de conférence en sociologie à l’université Versailles-Saint-Quentin/Paris-Saclay : « Il faut beaucoup de capitaux socio et scolaires pour accéder à des responsabilités municipales, a-t-elle noté. D’autant plus que la vie politique se professionnalise. » De fait, cela crée des inégalités d’accès aux fonctions politiques et un déficit de représentativité sociale des élus locaux.

«Il faut beaucoup de capitaux socio et scolaires pour accéder à des responsabilités municipales. D’autant plus que la vie politique se professionnalise.» – Isabelle Lacroix, maîtresse de conférence en sociologie à l’université Versailles-Saint-Quentin/Paris-Saclay. -Photo: Jérôme Lallier

Recevoir et donner

Pour autant, les jeunes qui connaissent des difficultés n’ont-ils aucune possibilité de s’engager ? S’intéressant, « à l’autre extrémité de l’échelle sociale », au public très spécifique constitué des jeunes qui ont été placés par l’aide sociale à l’enfance, Isabelle Lacroix a expliqué ceci : « Pour ces jeunes, qui connaissent beaucoup de freins, avec notamment un fort sentiment d’incompétence, les travailleurs sociaux peuvent devenir pour eux des « bougies d’allumage ». S’ils vont souvent vers l’engagement, d’abord pour être aidés, ce sont les ressorts de l’engagement qui les maintiendront ensuite dans la dynamique. » Apprentissage de la prise de parole, confiance en soi, écoute des autres, sentiment d’appartenir à un groupe… toutes ces rétributions de l’engagement, Ikram et Massilia les ont vécues ! 
Embarquées dans un projet théâtral ambitieux par l’Aspic, association stéphanaise de prévention spécialisée, les deux jeunes filles ont témoigné des bénéfices de cette expérience d’engagement collectif et artistique : « Le théâtre m’a appris le sens de l’engagement, la solidarité, le travail en équipe. J’ai gagné de la confiance en moi et appris à transmettre des valeurs à partir de l’art », a listé Ikram, comme un écho aux conclusions de l’enquête d’Isabelle Lacroix. 
À voir tous ces bénéfices, individuels et collectifs, on ne peut que regretter que tant d’obstacles entravent encore l’engagement des jeunes, surtout de ceux qui se sentent les plus exclus de la sphère publique. Ces freins interrogent tous les adultes, a conclu Marlène Martin, de l’université de Rouen Normandie : « Quels sont les leviers éducatifs que nous pourrions actionner pour que les conditions d’engagement soient plus égalitaires ? »

«Quels sont les leviers éducatifs que nous pourrions actionner pour que les conditions d’engagement soient plus égalitaires ?» – Marlène Martin, de l’université de Rouen Normandie (à gauche). -Photo Jérôme Lallier.

Une question qui reviendra très certainement dans la suite des Assises, lors du Forum citoyen de jeudi soir ou encore au cours de l’évènement Place aux jeunes, vendredi et samedi.

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