«Il me tarde de rentrer concrètement dans le mandat municipal»

Le maire sortant Joachim Moyse a été réélu au premier tour le 15 mars 2020. Photo: Jérôme Lallier.

Repoussée en raison de la crise sanitaire, l’installation officielle du maire et de ses adjoints n’a pu avoir lieu que jeudi 28 mai, soit plus de deux mois après le 15 mars et le premier tour des élections municipales. Le maire Joachim Moyse, désormais officiellement élu, fait le bilan sur cette période inédite et donne rendez-vous aux Stéphanais.e.s en septembre.

Quel regard portez-vous sur la période que nous venons de traverser?

Joachim Moyse: Mon premier constat est inquiétant. La crise sanitaire nous a obligés à mettre la sécurité au-dessus de nos priorités habituelles et les questions sociales, éducatives, démocratiques ou environnementales sont passées au second plan.
En nous privant d’une grande partie de nos facultés d’aller et venir, de manifester et de nous exprimer collectivement, le confinement a été jusqu’à remettre en cause la question fondamentale de nos libertés. L’une des conséquences les plus graves a été le renforcement des inégalités à la fois sociales et éducatives. Je pense d’une part aux familles qui n’ont pas pu bénéficier des repas aux tarifs très abordables de la restauration municipale pour leurs enfants. Ce qui a pesé sur leur budget. D’autre part, aux enfants pour qui la poursuite numérique de l’enseignement n’était pas toujours possible ou profitable.

Qu’est-ce qui a changé avec le 11 mai et le début du déconfinement progressif?

Même si nous avons désormais entamé un processus de déconfinement, je souhaite rappeler que la période que nous traversons reste, encore aujourd’hui, complètement inédite. Nous souhaitons tous qu’elle soit derrière nous le plus rapidement possible, mais nous devons rester vigilants. Soyons attentifs aux autres et faisons preuve de bienveillance vis-a-vis des personnes les plus fragiles. Cela passe par le respect des recommandations et des prescriptions comme le port du masque dans les transports en commun. Lorsque nous pourrons tourner la page, nous pourrons pleinement nous projeter dans ce qui fait notre cœur de bataille politique: la lutte contre les inégalités.

Quel message souhaitez-vous adresser aux habitants?

Je remercie les Stéphanaises et les Stéphanais pour tous les gestes de solidarité qu’ils ont eu les uns envers les autres comme la confection de masques, les dépannages, le portage de courses, les dons et les contacts téléphoniques. Les habitants ont abordé la situation de façon responsable.
Nous n’avons constaté que très peu de comportements imprudents, y compris chez les jeunes pour qui la vie confinée ne permet pas, au fil des semaines, de s’épanouir. Chacun a fait preuve de compréhension en saisissant la gravité de la situation et en adoptant les bons comportements vis à vis des autres.

Comment s’opère aujourd’hui la réouverture des services municipaux?

Il faut garder à l’esprit que tous les moyens pour faire face à cette situation inédite sont eux aussi inédits. C’est la première fois que la Ville a recours à autant d’agents en même temps pour mettre en place des dispositifs de sécurité sanitaire et permettre l’entretien spécifique de tous les équipements municipaux.

Nous n’avons pas d’autre choix que d’enclencher une réouverture progressive des services et cela implique de l’indulgence de la part des personnes qui en attendent la réouverture totale.

Quel constat faites-vous aujourd’hui sur le maintien du premier tour des élections municipales?

Même si tout a été fait pour permettre que ce premier tour ait lieu dans de bonnes conditions, je déplore le recul démocratique engendré par la crise liée au coronavirus.
Depuis les vingt dernières années, la participation aux élections municipales n’a jamais été aussi basse. Lorsqu’on est candidat, on a le souhait de faire en sorte qu’il y ait la plus grande participation possible. J’ai rencontré des gens qui m’ont dit, «on est désolé, on aurait bien voté pour vous mais on avait peur de se déplacer et de choper cette saleté de virus». Ça laisse un goût d’amertume.

Le confinement a repoussé l’installation du conseil municipal. Quelles conséquences cela a-t-il eu sur la gestion de la crise?

Dans un fonctionnement normal, le maire peut déléguer la prise de décisions aux adjoints. Sans l’installation du conseil municipal, c’était impossible. Le Gouvernement en a pris la mesure et a fait en sorte que les maires puissent prendre, seuls, les décisions en consultant et en informant les adjoints, sans possibilité de déléguer la prise de décision.

Je voudrais remercier à la fois les anciens et les nouveaux élus du 15 mars qui m’ont tous accordés une réelle confiance. J’ai eu des messages de soutien, de différentes origines politiques, il y a eu de la solidarité vis a vis de la charge psychologique que j’ai eu à supporter.

Certaines décisions ont-elles tout de même été contestées?

Les Stéphanaises et les Stéphanais ont compris la difficulté de la gestion de ce moment très particulier. Il y a eu des marques de compréhension sur le fait qu’on ne décide pas ici, à Saint-Étienne-du-Rouvray, de la même façon que dans les villes voisines.

Je prends l’exemple de Petit-Quevilly, où la maire a mis en place une fabrique municipale de masques. Ici, nous avons fait marcher la solidarité et l’entraide en créant une plateforme d’échanges, d’offres et de demandes, qui a également fonctionné pour la proposition de courses, etc. J’ai voulu m’appuyer que le fait qu’à Saint-Étienne-du-Rouvray, il y a toujours eu la marque de cette solidarité plus qu’ailleurs.

Les Stéphanais.e.s se sont demandés pourquoi les masques de la Ville n’ont pas été distribués dans les boîtes aux lettres…

Cette possibilité a été écartée d’entrée de jeu. Dans le contexte de pénurie de masques, les boîtes aux lettres auraient pu être fracturées, des vols auraient pu être commis. De plus, contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, on ne sait pas combien de d’occupants vivent dans l’appartement qui correspond à une boîte aux lettres, ni si ce dernier est tout simplement occupé.

Vous avez demandé à l’État le droit de réquisitionner les masques vendus par les commerces de la ville.

Et j’attends encore sa réponse! Quand la vente de masques se fait en supermarchés, il y a forcément une question de profit qui se fait sur le dos du client. Si la Ville réquisitionne les masques, elle les achète certes avec une partie de l’argent du contribuable, mais l’État et les entreprises participent également aux finances municipales. Dans un pays comme le nôtre, les questions sanitaires ne devraient pas générer de coûts pour les gens.

Pourquoi avoir reporté la réouverture des écoles de seulement deux semaines?

Au nom de l’éducation des enfants, il était capital de rouvrir les écoles et de tendre vers un fonctionnement qui redevienne le plus normal possible. Grâce à ces dix jours de préparation supplémentaires, les agents municipaux ont pu, en lien avec les enseignants, appliquer un protocole avec la mise en place de signalétiques dans les écoles. Nous avons également pu recevoir à temps le matériel nécessaire comme les produits de désinfections, les masques, etc.

Seuls les élèves de grandes sections de maternelle, CP et CM2 ont fait leur rentrée. Qu’en sera-t-il des autres élèves?

Je prends la période allant du 25 mai jusqu’au 5 juillet comme un temps d’évaluation dans l’optique d’une rentrée plus large en septembre. Malheureusement, rien ne permet de dire aujourd’hui que l’on sera totalement débarrassé de ce problème sanitaire.

Comment envisagez-vous les mois qui viennent?

La véritable reprise de la vie démocratique se fera en même temps que la reprise scolaire du mois de septembre. Il me tarde de rentrer concrètement dans le mandat municipal car nous avons des projets ambitieux qui nous attendent pour les six prochaines années. Mon intention, c’est de venir à la rencontre de la population au cours du dernier trimestre 2020 pour échanger autour des questions du développement durable. Nous poserons les questions de la nature en ville, de la place de l’arbre et de la protection des ressources. Je pense aussi à la question de la santé par l’assiette et de l’éducation nutritionnelle. Après la période que nous venons de traverser, on ne peut pas envisager la suite sans commencer par les questions de la santé et de l’environnement.

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