Latifa Ibn Ziaten à la rencontre de ses «chers élèves» du collège Picasso

Le témoignage de Mme Latifa Ibn Ziaten a ému les élèves du collège. Photo Laurent Derouet

À l’invitation du collège Pablo-Picasso de Saint-Étienne-du-Rouvray, Latifa Ibn Ziaten est venue témoigner, au centre socioculturel Georges-Déziré, de son combat pour la tolérance et le vivre ensemble devant plus d’une centaine d’élèves. Un moment chargé d’émotion.

Une bonne centaine d’élèves de 4e, plus une poignée de 3e du conseil de la vie collégienne, sont réunis ce lundi 18 octobre dans la salle Raymond-Devos du centre socioculturel Georges-Déziré. Et pourtant, le silence est total. Les yeux, parfois rougis, sont rivés sur l’invitée du jour, Latifa Ibn Ziaten, venue en voisine à l’initiative du collège Pablo-Picasso pour évoquer son combat pour la tolérance et le vivre ensemble.

Auparavant, un documentaire a été projeté pour témoigner du parcours de cette mère dont le fils Imad, militaire français, a été tué le 11 mars 2012 à Toulouse par Mohammed Merah. «Il était ma moitié. Aujourd’hui elle est vide et j’essaie de la remplir avec vous, avec tous ces jeunes que je rencontre partout en France, à l’étranger…» Ces «chers élèves» comme elle les appelle avec affection, qu’elle a longtemps chouchoutés lorsque, dans sa vie d’avant, elle travaillait dans les cantines des écoles rouennaises.

Dans la salle, Estelle Mialhe, la principale du collège Pablo-Picasso, apprécie de voir ceux qu’elle côtoie au quotidien faire preuve d’une telle attention et d’un tel respect: « Après l’hommage rendu suite à l’assassinat de Samuel Paty, on voulait aller plus loin pour évoquer la fraternité avec nos élèves. On y travaille depuis mai de l’année dernière. C’était important qu’ils entendent ce témoignage qui, j’en suis certaine, va les marquer.»

«Je suis une Française, d’origine marocaine, de confession musulmane»

Micro à la main, descendue de l’estrade pour répondre aux questions, Latifa Ibn Ziaten n’en élude aucune. Debout. «Je témoigne toujours debout en souvenir de mon fils qui n’a pas voulu s’agenouiller devant son assassin.»

À deux pas de l’église Saint-Étienne, qu’on aperçoit par la fenêtre, là où le père Hamel a lui aussi péri au nom d’une idéologie mortifère, Latifa Ibn Ziaten martèle encore et encore sa conviction que ces terroristes ne sont en rien des musulmans, encore moins des martyrs. «Musulman, ce n’est pas une identité, mais une religion. C’est personnel. On ne l’impose pas. Moi, je suis une Française, d’origine marocaine, de confession musulmane», assure-t-elle. Des positions qui lui valent parfois des menaces, qui l’obligent à être accompagnée d’agents de sécurité dans ses déplacements, mais qui ne l’empêchent pas de témoigner. «Je vais dans les écoles, les collèges, les centres sociaux, les prisons deux ou trois fois par semaine. Cette association [Imad, pour la jeunesse et pour la paix, NDLR] est véritablement née après ma rencontre avec des jeunes dans le quartier d’où venait Mohammed Merah. Ils étaient perdus, sans horizon. Je n’ai pas pardonné ce qu’a fait Merah à mon fils. Mais je lui ai pardonné en tant que personne, pour ce qu’il était.»

«Faites démarrer votre moteur !»

À l’issue de la rencontre, de nombreux jeunes ont souhaité lui dire à quel point son témoignage les avaient touchés. D’un sourire, d’une caresse, elle réconforte ceux pour qui l’émotion est trop forte. Lucas a été marqué par le ton et les paroles de Latifa Ibn Ziaten: «On sent que ça vient du cœur. Ce n’est pas un discours. On comprend ce qu’elle veut nous dire parce qu’elle le fait avec des mots simples.» Profitant de ces derniers moments en leur compagnie, elle leur répète inlassablement son message: «Faites démarrer votre moteur ! Celui de vos envies, de vos rêves. Chaque matin, faites-le démarrer pour aller à école, pour profiter de ce que peuvent vous apprendre vos professeurs. Faites-le car personne ne va le faire pour vous.»

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