Profs, parents et élèves contre le « tri » des élèves

LE 3 avril, professeurs et parents d'élèves ont tracté à la sortie du collège Louise-Michel pour montrer leur opposition aux groupes de niveaux ; la mesure phare du « choc des savoirs » souhaité par le premier ministre, Gabriel Attal, est dénoncée par une très grande partie de la communauté éducative, qui parle de « tri des élèves ». Photo : Jean-Pierre Sageot

Les enseignantes et enseignants du collège Louise-Michel ont manifesté contre la réforme qui prévoit de séparer les élèves en groupes de niveau. Ils appellent à un rassemblement plus large ce samedi 6 avril à 14h, devant l’hôtel de ville.

Comme leurs collègues partout en France, les enseignants stéphanais se mobilisent contre le projet de réforme baptisé « Choc des savoirs » qui prévoit de répartir les collégiens en groupes de niveau, dès la rentrée de septembre. « Les parents doivent savoir quels effets néfastes aurait cette réforme », explique Cathy Dubos, professeure de lettres classiques au collège Louise-Michel. Aux côtés de l’enseignante arborant une pancarte « non au tri des élèves », une vingtaine de profs, de parents d’élèves et d’élèves ont montré leur opposition lors d’un rassemblement devant leur établissement ce mercredi 3 avril.

En bons pédagogues, les enseignants de Louise-Michel ont diffusé sur les réseaux sociaux une capsule vidéo pour expliquer les conséquences de la réforme. Toutes et tous appellent désormais à un rassemblement plus large ce samedi à 14h devant l’hôtel de ville de Saint-Étienne-du-Rouvray. Les quatre collèges de la ville, ainsi que les écoles primaires, doivent se joindre au mouvement.

« Ça peut sembler être une bonne idée, mais »

Le « Choc des savoirs » consisterait à répartir les élèves en trois groupes « fragile », « moyen » et « avancé », uniquement pour les cours de français et de mathématiques (deux fois 4h30 par semaine). Les effectifs des groupes les plus fragiles seraient réduits (15 élèves maximum) et les élèves auraient la possibilité de changer de groupe en cours d’année. La réforme concernerait les élèves de 6e et de 5e pour la rentrée 2024 puis tous les niveaux en septembre 2025. « À première vue, ça peut sembler être une bonne idée, mais les moins bons élèves n’ont pas tous les mêmes difficultés. Si l’on regroupe les élèves avec des troubles de dyslexie, de dyscalculie, les élèves qui décrochent et les élèves allophones (élèves dont la langue maternelle est une langue étrangère, NDLR), on ne pourra pas avancer au même rythme que les groupes qui ont les meilleures notes », résume Cathy Dubos. « On souhaite bon courage aux profs qui enseigneront aux groupes faibles », embraye Marie Frebourg, représentante des parents d’élèves à Louise-Michel. « Un élève qui est dans un groupe faible risque de subir une forte stigmatisation. Un élève dans un groupe avancé peut créer un début d’anxiété à la performance », détaille l’enseignant M. Lanuzel dans la capsule vidéo. Autant d’inquiétudes que partagent Mila et Clara, respectivement élèves de sixième et cinquième à Louise-Michel : « Il va y avoir de la compétition entre les meilleurs et ça va être stressant pour les moins bons. Avec les classes dispersées, on va perdre des amitiés. »

Les quatre collèges stéphanais et les écoles primaires appellent à un nouveau rassemblement samedi 6 avril à 14h devant l’hôtel de ville. Photo: Jean-Pierre Sageot

Du flou et un manque de moyens

« Éclater des classes, ça peut être très violent pour les élèves, mais le fait est, aussi, que la réforme arrive sans moyens supplémentaires pour les établissements, déplore Aube Cassius, représentante des parents d’élèves FCPE. Avec des enseignants sous pression, obligés de gérer plus de groupes, un collège comme Louise-Michel risque de ne pas réussir à maintenir des particularités comme les classes à horaires aménagés danse. » Face à des classes éclatées, les enseignants perçoivent déjà l’impossibilité de faire un bon suivi des élèves en tant que professeur principal. La réduction du nombre d’élèves des groupes dits « fragiles » implique aussi plus d’horaires, puisque sur un exemple de six classes, il faudrait créer huit groupes de niveau auquel il faudra dédier autant d’heures de cours.

Mathieu Lespilette est un ancien élève du collège Louise-Michel, désormais apprenti boulanger à la boulangerie de l’hypermarché E.Leclerc. Il passait par hasard devant son ancien établissement lorsqu’il a aperçu le rassemblement. « S’il y avait eu des groupes de niveau à mon époque, on aurait été plus nombreux à quitter le collège avant la troisième », analyse l’apprenti qui a quitté Louise-Michel il y a 5 ans. « Il y a encore des interrogations. Apparemment, les élèves des groupes faibles ne pourront pas être acceptés en seconde générale au lycée », s’inquiète Marie Frebourg. « Trier les élèves… ce n’est pas ce type d’école là que l’on veut, On travaille sur la tolérance depuis des années et là c’est un retour en arrière, conclut Cathy Dubos. On veut bien s’adapter aux difficultés, pas au niveau. »

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