Zazie au (télé) boulot

#25  – 4 juin 2020

Brève sans comptoir

« Déconfinés, on finit au café ». C’est mon slogan depuis que les terrasses sont de nouveau ouvertes. Parce que, oui, on continue à faire la liste de tout ce qu’on ne pouvait plus faire et qu’on peut de nouveau faire. Même si on en a pas besoin ni envie : on peut le faire !

Le « bon vivre à la française », la culture du bistrot, du troquet, du comptoir, du Balto ou du Voltigeur, voilà bien un truc dont on a jamais autant entendu parler que quand on était confinés. Et que donc les cafés, bars et restos étaient fermés. Et que donc mon voisin râlait : « Ah ben ça bien sûr, ben voyons, ben v’là qu’y nous ferment les cafés, manquait plus que ça… » C’était le 15 mars, au début du confinement. Je me souviens de la date parce que deux jours avant (le 13 mars), mon voisin râlait : « Ah ben ça non mais vous avez vu le prix du café dans les cafés ? Si c’est pas une honte ! J’peux vous dire qu’y sont pas près de m’y voir, moi… »

Bref, le « bon vivre à la française » est de retour mais à un mètre de distance. Et avant même que ça rouvre, j’entendais les copains/collègues (souvent c’est les mêmes) : « Ca va être trop bien, enfin un p’tit crème en terrasse, c’est ça la liberté retrouvée ! » Bon, avant la terrasse, il a quand même fallu qu’on aille au boulot, ce lundi-là. Mais juré, à la pause, on filait la retrouver notre liberté au fond de la tasse. Ce qu’on n’avait pas prévu (pourtant c’était facile), c’est que d’autres que nous avaient eu la même idée. Et d’autres avant eux. Ce qui fait que du bout de la terrasse, le serveur nous a  prévenus qu’on en avait pour trois bons quarts d’heure d’attente. C’est-à-dire pile pour le moment où il fallait reprendre le boulot.

Mais qu’est ce café ?

Le soir, à la sortie du bureau, nouvelle tentative, nous v’là repartis vers la terrasse. Je sais qu’après 5 heures, le café c’est pas bon pour moi, mais je la voulais, ma liberté torréfiée, même si ça devait m’empêcher de dormir. Là, manque de bol : victime de son succès et pas assez prévoyant, le patron avait écoulé tout son stock d’arabica. Et comme il était un peu tôt et qu’on était entre collègues, personne n’a osé proposé de passer à la bière bien fraîche. Du coup, on est rentrés chez nous chacun de son côté mais on allait les avoir, notre café et notre terrasse.

Mardi matin, 30 minutes avant la prise de poste, tout le monde était au rendez-vous. Même la collègue qui se rend toujours compte qu’elle a oublié son porte-monnaie au moment de régler l’addition avait un billet de trois euros tout neuf dans la main. Tout le monde était là, sauf les serveurs du café. Au bout de deux mois, on ne s’était souvenu que le mardi, c’était jour de fermeture.

Mercredi matin, on avait tous oublié notre porte-monnaie…

Le quatrième jour, pour conjurer le mauvais sort, j’y suis allée toute seule au café. Et là, surprise : pas de file d’attente, la terrasse pour moi toute seule, service rapide et tout et tout. Vous me direz que la pluie, le vent et les 15 degrés de moins, ça pouvait jouer ! Et vous savez le plus beau? Grâce à ce petit moment de vie « à la française » qui m’a quand même coûté 2 euros, avec ma tasse à la main, je me suis rappelée que j’aimais pas ça, les espressos en terrasse…

On peut faire une fois 100 kilomètres, on peut faire 100 fois un kilomètre, mais on ne peut pas faire 100 fois 100 kilomètres. Ou quelque chose comme ça. Comme je vous le disais la dernière fois, la règle des 100 kilomètres, elle a ses avantages et ses inconvénients. Et comme pour tout, le mieux, c’est de savoir s’adapter.

Une fois qu’on a eu bien profité de nos balades en famille, en respectant toutes les distances et en restant prudent avant toute chose, il a fallu commencer à penser aux autres sorties : celles qu’on allait pas pouvoir repousser plus longtemps. Et là, tout est devenu très stratégique. Le premier qui s’y est mis, c’est le lycéen de la famille. Lui qui nous a toujours rapporté des moyennes en maths plus proches de la racine carrée de 16 que de la mention très bien, s’est soudain découvert une passion pour l’arithmétique. Compas à la main, il a tracé des cercles pendant des jours pour nous prouver que « oui, manman, oui pôpa, le lycée est bien situé à plus de 100 kilomètres de la maison, ça me semble pas raisonnable, quel dommage, j’aurais tellement voulu… ». Bon, son calcul passait par toutes les rues de la ville en zigzaguant dans tous les sens. Un parcours pas très logique alors que le lycée se trouve à trois rues de l’appartement. Et comme en plus, effectuer « un trajet entre le lieu de résidence et l’établissement scolaire » est un motif pour passer les 100 kilomètres, on peut dire que son plan tombe à l’eau. Mais, avant qu’il mette son petit sac d’écolier sur son dos pour aller retrouver ses professeurs, toute la famille a décidé de lui attribuer la moyenne quand même pour l’effort fourni.

Si moi j’te fuis…

La méthode du calcul des distances, je dois dire que je m’en suis servie aussi. On appelle ça un cas de force majeure : pas plus tard que l’autre jour matin, en plein petit déjeuner, v’là t’y pas que Monsieur Zazie fait le zazou et me déclare tout comme ça : « Maintenant qu’on peut bouger, on pourrait aller faire un coucou à mes parents ». Là, très calmement, sans recracher mon bol de café au thé par les narines, j’ai cligné des yeux en faisant : « Mais oui mon chéri, pis ça fera plaisir aux enfants de voir Papy-Mamy après tout ce temps ». Eux, ils n’ont pas mon sang-froid, donc, on s’est immédiatement retrouvés avec des corn-flakes partout sur les sets de table. Dégoûtant.

Seulement voilà, si extérieurement j’ai gardé – comme toujours – mon calme et mon élégance légendaires, dans le dedans de ma tête, c’était l’alerte rouge. Tempête sous un crâne comme dirait Victor Hugo. Le coup de la visite aux beaux-parents, c’est comme l’astéroïde dans les films catastrophes, je l’avais pas vu venir et il allait me falloir un plan génial pour le faire dévier de sa trajectoire. Et là, bim, j’ai trouvé la solution. Avant même que ma moitié ait pu attraper le téléphone pour annoncer la bonne nouvelle à ses parents, j’ai fait ma tête de Zazie en mode tellement désolée et j’ai dit : « Haaan, mais mon chéri, mince de zut alors, il y a cette fichue règle des 100 kilomètres. Oui, je sais que tes parents habitent à moins que ça, mais si on calcule l’aller-retour, on est largement au-dessus, mince de crotte de biche, je suis tellement désolée… » Ben oui, je sais, la règle de l’aller-retour, c’est moi qui viens de l’inventer mais en ce moment, c’est flou et tout le monde a son interprétation donc moi aussi, j’ai le droit d’avoir mon opinion, surtout quand la sécurité de ma famille est en jeu ! Le plus bizarre dans tout ça, c’est que mon mari n’a même pas protesté. Franchement, je le soupçonne d’avoir été soulagé que je l’invente, ce geste barrière contre le virus de la visite familiale…

 

 

Le boulot « sur place » a repris (partiellement), les écoles et collèges ont rouvert (partiellement), les transports en commun roulent de nouveau (partiellement)… Je vous fais une liste partielle de ce qui revient petit à petit, mais ce qui est sûr, c’est qu’on s’est tous mis TOTALEMENT à imaginer ce qu’on allait faire de cette circulation retrouvée. Sauf que…

Dès que les sorties sans attestation et à plus de 15 mètres du portail ont été annoncées, j’ai commencé à rédiger ma liste. Du coup, comme je n’avais plus de quoi noter dans mon carnet, j’ai rayé ma liste des choses à faire pendant le confinement pour la remplacer par ça. Tant pis pour la liste de lectures, les cours de pilates, la peinture du garage, le rempaillage de chaises, adios, on se reverra au prochain confinement ! Et donc, j’ai commencé à noter : un tour à la plage, une rando en forêt, une nuit au camping de Vermille-Cranfeville, un voyage en train pour voir les rues de Paris encore désertes… Sauf que…

Ben sauf que je me suis souvenue que les sorties, c’est OK, mais à moins de 100 kilomètres (sauf motif impératif). Heureusement, la mer à moins de 100 kilomètres par chez nous, ça existe. Donc, prudemment, on est partis pour ça et on n’était pas les seuls à y avoir pensé. Le plus long, ça a été les 3 heures d’attente pour pouvoir entrer sur le parking (et en sortir après), mais une fois garés, on a bien profité de notre balade de 12 minutes aller-retour sur la promenade autorisée. Même que quand le brouillard s’est un peu levé, on a pu apercevoir la mer à 800 mètres (c’était marée basse).

Sans kilomètres

Si avant la promenade il faut calculer la limite des 100 kilomètres, pendant la promenade, il ne faut pas oublier la distance sanitaire à 1 mètre ! Là encore, merci les plages normandes, avec tous ces galets à perte de vue, j’ai pu tenir à distance les imprudents. Avec moi, c’est devenu « Pas de distanciation respectée, bosse sur le front assurée ». Evidemment, j’ai pas eu à mettre mes menaces à exécution.

Une fois cette histoire de plage réglée, il a fallu prévoir les prochaines escapades. Comme on a envie de continuer à se passer de la voiture, tout le monde a remis son vélo en état et hop, c’était parti pour l’étude des parcours à faire en une journée. Le truc quand on trace un itinéraire de rando, c’est que la feuille de papier, elle est plate. Là, à 150 mètres de la maison, il y a un début de grimpette (j’appellerais ça un faux faux-plat) qui a décimé plus de la moitié de notre équipée familiale. C’est vrai que mon mari a toujours préféré les côtelettes aux côtes. Et s’il n’a pas franchi la limite des 100 kilomètres à vélo, c’est sûrement parce qu’il a franchi la limite des 100 kilos dès le début du confinement… Pour finir, on est rentrés mais on a pas abandonné l’idée. Tiens, tel que je vous parle, là tout de suite, toute la famille est réunie dans le salon pour suivre la cassette VHS des plus belles étapes de montagne du Tour de France 1988 qu’on a retrouvée dans un carton du garage, en réparant les vélos. Ça nous fait une belle balade, à plus de 100 kilomètres, et on est vachement moins fatigués. Ça doit être l’entraînement…

 

Le masque, c’est une affaire de survie. Il y a le besoin de se protéger, c’est sûr et je vous en ai déjà parlé. Mais il y a aussi l’image que ça va renvoyer de nous. Ben oui, passés les moments d’urgence, il va bien falloir recommencer à penser à notre élégance du quotidien. Comme le seigneur Zorro ou  Batman, nous serons masqués mais élégants.

La mode printemps-été 2020 sera au masque, ça on l’a bien compris. Parce même si y en a des qui disent qu’il « n’y en a pas assez mais qu’il n’y a pas de pénurie pour autant » (expliquez-moi, j’ai du mal à suivre), c’est devenu l’accessoire indispensable pour briller en société. Avant, quand quelqu’un suivait pas la mode, on disait : « Non mais t’as vu, il/elle a pas de jean taille basse, j’en suis malade. » Bon, ben aujourd’hui, si la personne avec qui vous parlez ne porte pas de masque, vous pouvez littéralement être malade.

Donc, mode forcée peut-être, mais mode classe malgré tout. Déjà, moi j’ai opté pour le tissu : bon pour la planète parce que réutilisable, coloré, personnalisé, « le masque tissu a tout pour faire de vous la star de vos sorties de déconfinement ou de vos soirées à 10 personnes maximum ». Oui, je sais que ce que je dis, je l’ai lu dans une pub qui proposait des masques Vouis Luiton à 450 euros pièce (en promo). De mon côté, j’ai choisi les masques maison de mon tonton, en plein de versions différentes. Moins cher et plus original, je vous assure. Maintenant, j’ai de quoi remplir un dressing avec : des masques pour aller dans les magasins (avec ma liste de course cousue dessus), pour partir au boulot (avec un air ravi), pour parler aux voisins (avec un air intéressé), etc.

Masque critique

Et dans le reste de la famille, c’est pas mieux. Si mes ados avaient mis autant de cœur à suivre leurs cours en ligne qu’à choisir la couleur de leur masque, y en a qui auraient eu les félicitations du jury. Remarquez, ça a été une bonne motivation pour les renvoyer en cours : exhiber ses masques dans la cour du collège, même si ça doit se faire à plus d’un mètre, c’est le truc à pas rater pour épater les copains. Le masque en tissu, c’est encore plus top que le dernier I-Phourbe pour assurer la frime. Et puis si les élastiques trop petits leur décollent les oreilles, c’est pratique pour mieux écouter le prof. De toute façon, pour les enfants et leur père, j’ai résolu le problème : je leur ai pris un modèle unique, en plusieurs exemplaires, avec un grand sourire imprimé et un message qui dit « Merci Zazie». Ben ça, ça vous modifie l’ambiance familiale où tout le monde tire la tête toute la journée. Tiens, je crois même que je vais les obliger à le porter dans la maison. Il y a bien une loi qui m’autorise à faire ça, non ?

Je ne vais pas finir sans rappeler que le masque, en matière d’hygiène, il n’a pas servi qu’à nous protéger du Covid. Il a aussi révélé d’autres problèmes. Je peux vous dire qu’après avoir porté le morceau de tissu collé à leur bouche et leur nez, y en a certains qui sont allés dévaliser les rayons de dentifrice et qui respectent un peu plus la règle des trois minutes de brossage. Mais attention, une haleine fluorée ne doit pas non plus nous faire oublier les gestes barrière !

Je me demande si le masque n’avancerait pas masqué. Depuis le début de l’épidémie, c’est l’ustensile dont on a le plus parlé, je crois. Plus que l’épidémie, tiens ! Moi, ce que je vois, c’est que le masque, c’est un sujet qui pose beaucoup de questions. Tellement de questions que je crois qu’il va falloir que je vous en parle en deux fois.

Comme diraient les présentateurs télé pour nous faire peur : « Le masque, cet objet qui suscite bien des interrogations ». On pourrait déjà annoncer que c’est le feuilleton de l’été : il faut le mettre, il faut pas le mettre ? Il faut des masques en tissu, en plâtre ou en acier ? Il faut le laver ou on peut le porter des deux côtés ?… Je crois qu’on a eu le droit à tout et principalement à des points de vue pas très utiles et qui de préférence n’apportent aucune réponse.

Le masque, il me fait penser à un renard rusé qui fait sa loi, qui court vers l’aventure au galop. Il y a encore quelques mois, le seul masque que j’aurais bien voulu porter, c’est celui au concombre avec de l’argile du Pakistan parce que ça retend les tissus de la peau. Aujourd’hui, c’est le tissu du masque que je recherche pour ma peau. Avant dans les reportages à la télé, quand mon voisin voyait une personne porter un masque dans les rues de Tokyo, Pékin ou New Dehli, il rigolait en disant que c’était culturel et un peu parano. Aujourd’hui, le même voisin me répète que : « Nan, mais je l’ai toujours dit : c’est eux qui ont raison, il faut se protéger… » Enfin, moi, ce que j’entends quand il me dit ça, c’est surtout : « ‘an, ai’eu ai ‘ou’ours dit : é’eu y ont ai’on, y’o eu propé’hé », parce que comme pour plus de protection, il enfile trois masques les uns sur les autres on ne comprend plus rien à ce qu’il dit. Ce qui ne gêne personne dans l’immeuble finalement…

C’est l’histoire d’un masque

En plus du point de vue de notre entourage sur le port du masque, il faut bien avouer que ça n’a pas été simple c’t’affaire. Il a d’abord fallu en trouver : plus rien dans les magasins ou les pharmacies, plus rien nulle part. Et franchement, dès le départ, on a vite compris que si jamais on trouvait des masques, c’était pas Zazie et sa p’tite famille qui en auraient un besoin immédiat. Quand j’ai vu les pros de la santé se demander comment ils allaient faire, je me suis dit qu’il fallait leur laisser la priorité. Après, au fil du temps on a vu fleurir les « tutos » de fabrication maison. Et là, il y avait autant de solutions que d’habitants dans le pays. Comment on coud : à la main, en machine ou à la colle forte ? Quel tissu : coton, lin, toile de jute, toile cirée ? Est-ce que le mieux, c’est pas de se le coudre directement sur les joues pour ne plus avoir à le retirer ??

Je vous le cache pas, il y a eu des ratés : mon cousin germain Germain s’était fait un masque en plastique bien serré sur la bouche et le nez. Plus rien ne passait, même pas l’oxygène. Apparemment, c’est pour ça que les pompiers ont mis une bonne heure à le ranimer. C’était presque rien comparé à la collègue à qui il a fallu expliquer que non, c’était pas judicieux de faire un trou au niveau de la bouche pour passer la bouffe. Ou ce couple qui le portait sous le menton parce qu’il fait trop chaud. Ou ce gars qui le maintient avec ses doigts pour qu’il colle mieux… La première fois que je suis sortie, j’ai vu tellement de gens tricher que ça m’a rappelé les parties de Scrabble avec ma grand-mère.

Cette histoire de masque – obligatoire, sauf quand ça l’est pas -, ça m’a tellement angoissée que, pour pas voir ce genre de choses, j’ai décidé de m’en mettre un sur les yeux la prochaine fois que je sortirai.

S’il y a un truc qui a bien marché depuis le confinement (et ce serait bien que ça dure après), c’est tout ce qui touche à l’hygiène. Des mains au moins, je vais pas forcément voir comment ça se passe au-delà. Sans être une spécialiste de l’économie, je sais aussi que les fabricants de savon ont plutôt bien vécu la période.

Je sais pas où vous en étiez question lavage des mains quotidiens, mais de mon côté, c’était déjà plutôt niveau compétition : du lever au coucher, entre les sorties aux toilettes et les prises de repas, je pense que j’étais pas loin de ma quinzaine de savonnages par jour. Et tout ça en évitant déjà les surfaces suspectes du type barres de métro et de bus, rampes d’escalators et les boutons d’ascenseurs (deux ou trois étages à pied, ça ne peut faire que du bien).

Mais avec l’arrivée du virus, il a fallu passer à la vitesse supérieure. Et je peux vous dire que c’est pas facile de faire tenir une bonbonne de 5 litres de savon liquide sur le bord d’un lavabo. Pis vous savez les calculer, vous, les 30 secondes minimum nécessaires pour un bon nettoyage ? Quand mon fils m’a dit : « Mais si manman, c’est facile, c’est le même temps que pour se laver les dents », j’ai compris qu’il fallait que je surveille un peu plus son hygiène à celui-là. Pour finir, on a installé un sablier à chaque point d’eau de la maison pour être dans le bon timing.

Il me paraît loin le temps où je passais mon temps à répéter : « Lavez-vous les mains avant de passer à table. Oui, surtout si vous avez changé la caisse du chat. Oui, même si vos doigts sont ressortis propres de votre nez. Oui, même si vous venez de faire un ping-pong avec la poêle à frire… ». Aujourd’hui, j’en suis même plutôt à dire : « Mais bon sang, tu pourrais pas arrêter de te laver les mains deux minutes ? On est à table quand même… »

Lavage demain

Y a un autre truc qui fait pas mes affaires avec ce lavage permanent, c’est les mains sèches. Je me rappelle du romain là, vous savez celui qui disait : « Je m’en lave les mains ». Ben on peut dire qu’il portait bien son nom, Pierre Ponce Pilate. Parce qu’avec le calcaire qui sort de nos robinets, c’est de la carapace que j’ai sur mes mains autrefois si douces. Un bon moyen de pas se toucher le visage, vous me direz, vu que je m’écorche les joues chaque fois que je veux me gratter.

Alors pour alterner, j’ai pensé au gel hydroalcoolique. Pratique, un petit flacon qu’on glisse dans la poche, on en met en rentrant dans le bus, en sortant du bus, en rentrant à la boulangerie, en sortant de la boulangerie, enfin partout quoi… Seulement, quand ma fille m’a dit que j’avais les mains qui sentaient comme la bouche à Tatie Zaza après l’apéro au repas de Noël, j’ai pensé qu’il fallait aussi y aller mollo sur le gel. La même chose que je dis à mon ado quand il passe la matinée à « sculpter sa chevelure ».

En tout cas, cette nouvelle façon d’aborder les soins manucurés, ça a aussi élargi nos discussions familiales. J’aurais jamais parié que mon mari rentrerait du travail en me vantant les mérites de telle ou telle crème de mains : « Zazie ma chounoune, avec les gars du chantier, on a bien comparé : la meilleure, c’est celle au beurre de karité bio parfumée essence d’oranges-fraises des bois, tu crois qu’on en trouve à la pharmacie d’en bas ? » Avoir ce genre de considérations cosmétiques au bout de tant d’années de mariage, j’peux vous dire que les bras m’en tombent !

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Ça va repartir, ça repart, c’est reparti. Oui, c’est la chanson qu’on entend depuis des semaines et ça y est, l’heure J est arrivée : c’est la fin du confinement. Et comme moi, vous l’entendez le p’tit air de « liberté retrouvée youpi tralala » ? Sauf que je me demande quand même s’il va pas falloir y regarder à deux fois avant de faire la fiesta dans les rues.

Donc, c’est la reprise. Ok, pas de souci. À entendre, lire ou voir les journaux, nous v’là à 67 millions relancés sur les routes de France (surtout pour aller au boulot). Sauf qu’à entendre, lire ou voir les mêmes, il faudrait qu’on soit aussi 67 millions à continuer à rester chez nous. Tu sors parce qu’il le faut) mais tu sors pas (parce qu’il le faut), c’est mon avis et je le partage… En gros, c’est la consigne, et je peux vous dire que j’y ai pas mal réfléchi.

Côté boulot, pas de problème : on m’a dit quoi faire et c’est très bien comme ça. Je retournerai à mon bureau certains jours, je regarderai mes collègues de loin et ça fera déjà chaud au cœur. Les gens à qui on essaie de rendre service aussi, ça leur fera du bien de nous revoir. Même les râleurs, parce que c’est quand même moins drôle de bougonner par mail ou par téléphone !

Côté tout le reste, c’est déjà plus flou : en gros, on nous a dit « Oui oui, mais attention, peut-être non, à vous de voir ». Et du coup, je me pose plus de questions que d’habitude pour le moindre de mes gestes quotidiens, moi. Le boulot, j’y vais quelques jours par semaine, mais comment ? En voiture alors que la pollution est retombée et que ça serait bien que ça dure ? En bus alors qu’il est toujours rempli et que la dame qui a fait un trou dans son masque pour mieux respirer me fait un peu peur ? En vélo pile la semaine où les températures ont chuté de 35 degrés et qu’il pleut 25 000 litres à la minute au mètre carré… ?

Déconfiture du déconfinement

Rien que cette décision, ça m’a pris trois jours. Alors pour le reste, j’vous dis pas. La question du coiffeur, c’était vite réglé, pas un créneau de libre avant le mois d’août 2026. Mais le chignon de 3 mètres au-dessus de la tête, finalement, j’aime bien. Et puis j’ai réussi à faire comprendre à mon mari qu’avec son niveau de calvitie, le coiffeur lui servait autant qu’un couteau pour couper sa purée. Un choc, oui mais surtout une vérité, non ?

Les jeunes, il a fallu les calmer aussi. Pour le plus grand, pas de sorties entre potes à 50, de toute façon, il peut pas avoir autant d’amis. Et puis avec l’argent de poche que je ne lui donne pas, ils pourront pas s’entasser sur une table au McDalle (qui de toute façon est fermé). La deuxième et son envie d’aller acheter des « taaaaas » de livres à la Fnouc, il a suffi de lui rappeler qu’en deux mois, le seul truc qu’elle a lu, c’est les statuts InstaTonne de célébrités inconnues et trop bien nourries. Et la dernière, quand elle a dit que les balançoires du parc lui manquaient, surtout le goût des cordes qu’elle adore mâchouiller, ben, comment dire, ça a réglé le problème tout de suite.

Et pour finir, quand j’ai vu mes voisins se ruer dès l’aube vers les magasins pour acheter tous les trucs importants dont ils ont pas besoin et déjà en double chez eux, j’ai décidé que les sorties, on va se les réserver pour plus tard. Parce que je me dis surtout que le virus à cause duquel on est restés confinés, il pourrait bien avoir envie de ressortir lui aussi si on s’y prend mal…

Le confinement, ça nous amène à changer nos habitudes, mêmes celles auxquelles on n’avait pas pensé au début. Beh oui, qui aurait pu imaginer le 17 mars qu’on passerait un 1er mai à la maison ? Parce que, foi de Zazie, le 1er mai, moi par coutume, je le passe sur le pavé et pas à la plage.

Mais là, bien sûr, les fêtes et les cérémonies (pas que Pâques), on les passe entre nos murs. Célébrer la victoire du 8 mai et le retour à la liberté en regardant par la fenêtre, z’avouerez que c’est pas banal. Mais là où j’ai vraiment compris que l’année serait pas comme les autres, c’est au 1er mai.

Déjà, pour ceux qui ont des jardins, vous aurez vu que le muguet est arrivé carrément vers le 10 avril. Histoire de nous perdre encore un peu plus dans les repères de dates, j’imagine. Ce qui fait que, le 1er mai, ben il était tout fané sur ses tiges, le muguet. Ce qui m’avait l’air bien sec aussi, c’est la grande réunion qu’on a l’habitude d’organiser avec quelques copains. Tous les ans, à la même date, on se retrouve à quelques milliers pour marcher tous ensemble dans les rues. Et apparemment, y a plein d’autres villes qui ont eu l’idée de faire la même chose. Et même plein d’autres pays… Et ça fait des années que ça dure, en plus ! Alors je vous raconte pas la tête des copains quand ils ont compris que le défilé du 1er mai, cette année, ça serait pas comme les autres fois. Je dis « je vous raconte pas leur tête » parce qu’en fait, je les ai pas vus, confinement oblige. Mais je pourrais très bien vous les décrire, je les connais par cœur.

Pavés pas pris

« Un défilé du 1er mai tout seul à la maison, on a jamais fait comme ça ! » C’est une citation de notre plus vieux défileur du groupe : il en est à sa 76è manif du 1er mai alors qu’il n’a que 55 ans. Me demandez pas comment il fait, moi j’appelle ça de la motivation. Toujours est-il que si tu lui retires sa marche pour la fête des travailleurs, à quoi bon en faire un jour férié ?? Donc, comme tout un tas de travailleurs, on s’est organisé pour l’avoir quand même, notre célébration. Voilà donc qu’on s’est tous retrouvés à la fenêtre (chacun chez soi, attention hein) et qu’on l’a quand même eu, notre 1er mai engagé. Faudrait voir à pas se relâcher. Je dis pas qu’il y a pas eu de ratés : j’en ai vu deux-trois qui avait pas pensé à enfiler leur pantalon avant de se mettre au balcon et d’autres qui avaient sorti les guirlandes « Bonne année » à la place de la pancarte « On lâche rien ». Remarquez, en y réfléchissant bien, c’était à peu près les mêmes boulettes que les autres fois. Même la copine qui se trompe toujours de lieu de rendez-vous, elle a réussi à se mettre à la fenêtre de la cuisine plutôt qu’à celle du salon. Du coup, on s’y retrouvait, à être ensemble pas ensemble.

Et pour couronner le tout, j’ai même eu droit au voisin râleur comme chaque année. Sauf qu’on est passé de « Y z’auront donc jamais fini avec leurs manifs à la noix, que j’te r’mettrais tout ça au boulot, nom de d’là ! » à « Ben tiens, qui y a personne dans la rue pour défendre les acquis du boulot, que j’te remettrais tout ça dans la rue pour manifester comme dans le temps, nom de d’là ! » Comme quoi, finalement, même avec du changement, c’est toujours presque pareil.

On est déjà au mois de mai, je le sais parce que cette année, j’ai regardé des photos de muguet fleuri sur l’écran de mon portable. Et comme chacun sait, le printemps, c’est la saison des salades de légumes, de fruits, de ce que vous voulez, mais en tout cas la saison des bonnes choses à manger. Le problème cette année : comment on peut se les procurer ?

Je pose la question mais il faut reconnaître qu’au milieu de la crise, les producteurs et fournisseurs de produits frais se sont rudement bien organisés : même si les marchés du dimanche (ou d’un autre jour, hein) ont été suspendus, on a tous autour de chez nous des maraîchers ou vendeurs qui ont proposé de faire des livraisons, des retraits ou autres. Bref, on avait de quoi manger.

Mais là encore, c’est la façon dont nos habitudes ont changé qui m’a surprise. Enfin, je devrais dire : la façon dont les habitudes de CERTAINS ont changé.

Sans vouloir me vanter, la fréquentation des primeurs, pour Zazie, c’était une habitude acquise depuis longtemps. Chaque fois qu’il fallait des fruits et des légumes, pas d’hésitation, direction le marché en plein air. D’accord, vu que les pizzas ne poussent pas dans les champs et que l’amour de mon entourage pour la ratatouille n’est pas délirant, j’étais pas la cliente la plus fidèle, faut reconnaître. On va dire que j’avais mes habitudes et que l’équilibre alimentaire a toujours été à peu près respecté dans la famille.

Mais ce que j’admire en temps de confinement, c’est la passion que se découvrent plein de gens pour les produits frais, l’alimentation saine et la nourriture éco-responsable. Tout le monde s’échange les adresses, les jours de livraison, les tarifs les plus intéressants de tous les producteurs de fruits, légumes, viandes et compagnie du coin. Des fois quand je vois passer certains conseils, j’ai l’impression que c’est un truc de société secrète, ou pire, qu’on est en train de me refiler les contacts du plus grand cartel planétaire de la drogue.

Le vrai goût des bonnes choses

Des accros aux légumes, voilà ce qu’on est devenu en l’espace de quelques semaines. Attention, je dis pas que c’est pas bien, au contraire. Je dis juste que je suis un peu surprise parfois. Quand un copain me dit qu’il en est à sa 18è cagette d’asperges en un mois, ça casse l’image que j’ai de lui toujours avec son kebab mayo-pommes de terre à la main le midi. Et la collègue qui jurait que par les plats surgelés à faire chauffer au micro-ondes, vl’à-t-y pas qu’elle nous fait de longues tirades (à distance et en vidéo) sur les bienfaits des fruits 100% responsables-bio-équitables. Bon, il reste à lui expliquer que se nourrir uniquement de radis du Paraguay, de pommes de Côte d’Ivoire et de fraises du Népal, c’est une conception particulière de l’écologie, mais chaque chose en son temps.

Ce qui est bien aussi, c’est que la crainte d’une maladie en a guéri quelques autres. Par exemple, quand on nous dit qu’il n’y a plus de farine dans les magasins, est-ce que ça ne voudrait pas dire aussi qu’il y a beaucoup moins d’intolérants au gluten qu’avant ?? En tout cas, il y a plein de gens qui se sont mis à faire leur pain à la maison (photos sur BaceFook à l’appui, bien sûr, sinon ça sert à rien). J’ai pas l’impression que ça fasse les affaires du boulanger du coin en tout cas… C’est dommage, il est ouvert tous les jours, il est bio et local et, en plus, son pain à lui est mangeable.

Moi vous savez, quand tout change trop vite, même si c’est en bien, ça me donne le tournis. Donc, je dirais presque que j’ai été rassurée l’autre jour quand j’ai vu à la télé des files de voitures sur 3 kilomètres pour fêter la réouverture du MacBurger. Et quand la caméra s’est arrêtée sur ma collègue qui a attendu ses quarante ans pour découvrir le goût d’une carotte, j’ai compris que le retour à la vie d’avant se ferait plus vite que prévu. Ce petit retour vers le fast-food du coin, ça devait être une autre manière pour elle de soutenir les petits producteurs locaux, au fond…

 

 

Le soir, en famille, on ne peut pas toujours regarder la télé. D’abord parce qu’il y a souvent rien de bien intéressant, mais aussi parce qu’on essaie de varier les activités pour se retrouver en famille. Et je crois que dans le genre, ce qu’on a fait de pire, c’est les jeux de société.

Dans « jeux de société », il y a « société ». Pour moi ça veut dire : « partager une activité sociale ». Mais si vous venez à la maison, vous verrez que ça se transforme vite en « étude de cas social » ou « conflit de société ». Comme chez vous sûrement. L’inventeur du concept de jeu de société, je suis persuadée que c’était qu’il détestait les humains. Il avait pas été invité aux boums de l’école, ses parents ont oublié son anniversaire, un truc du genre, je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est que son jeu préféré, c’était d’imaginer comment ça allait mal tourner. Parce que oui, des jeux de société, il y en a des tas, de tous les genres et pour tous les âges (comme les collègues de la ludothèque nous le rappellent si bien) mais ils ont tous bien une règle commune : n’importe quelle partie finit forcément en drame.

Même si on connaissait les risques, on s’est lancé dans l’aventure en famille. Première étape, trouver le bon jeu. Tout le monde était d’accord, le Ponomoly, hors de question. Trop long, près d’une heure pour que chacun choisisse son pion (tout le monde veut la chaussure), trop de larmes de la petite sœur quand son frère lui fait payer la Rue de paix (qui porte mal son nom) avec quatre hôtels… Non, décidément, il y a des classiques qu’on préfère éviter. Après, c’est pas le choix qui manque, vu qu’on en a un placard rempli, de jeux de société.

Tout le monde a perdu

Des boîtes et des boîtes qui s’entassent, avec souvent leurs emballages d’origine tout neufs. Ben voui, d’habitude, les jeux en famille, on a jamais le temps. Mais là, on a la (les) soirée(s) devant nous alors soyons fous. Je résume :

  • 17h30 : Et si on faisait un jeu ce soir ? Oui, mais d’abord, les enfants rangent leur chambre.
  • 18h07 : C’est pas ce que j’appelle ranger mais bref, passons… A quoi vous voulez jouer ?
  • 18h42 : OK, on ne jouera pas au « Rami » (trop vieux), à « Dragons et Donjons » (on n’a pas quatre jours devant nous non plus), au « Seucrabeul » (y en a une qui sait pas écrire et les deux autres, vu leurs notes, je suis pas bien sûre), aux « Colons de Platane » (76 pages de règles). Et bien sûr, pas de « Pippogloutons », « Docteur Baboul » ou tout type de jeu à base de bruits, de cris et de lumière… Et non, mon chéri, désolé, on ne jouera pas non plus à la pétanque dans l’appartement.
  • 18h55 : On a trouvé le jeu mais c’est l’heure de manger bientôt, on verra ça après.
  • 19h34 : On ne commencera pas tant que la petite et son père n’auront pas fini leurs petits pois.
  • 20h16 : Oui, on va bientôt commencer mais je regarde les infos et vous filez brosser vos pyjamas et enfiler vos dents (ou l’inverse)
  • 21h07 : Il manque une pièce, qui c’est qui a mal rangé boîte la dernière fois ??
  • 21h16 : On a trouvé un nouveau jeu. Reste plus aux enfants qu’à décoller leur père de devant la télé, il a commencé à regarder un film qu’il a déjà vu la semaine dernière.
  • 21h18 : Les enfants font des photos de leur père endormi avec la tête en arrière et la bouche ouverte, ça fera bien sur leur InstaBram.
  • 22h00 : Franchement, vu l’heure, on va pas commencer une partie maintenant !!
  • 22h15 : Tout le monde est couché, une peu de lecture, ça ne nous fera pas de mal.

Vous voyez, c’est des petits plaisirs simples comme ça qui font qu’on est vraiment proches de ses proches. Des trésors pour nos souvenirs. Et confinement ou pas, toute la famille s’est mise d’accord pour en faire plus souvent, des soirées jeux de société comme celle-là.

 

Depuis qu’on reste chacun chez soi, le contenu de nos machines à laver a changé. Mais si, avant il y avait cinq chemises, trois jupes plissées et des tas d’autres vêtements qui sont devenus des objets de décoration dans nos armoires. Et si on ne voit plus tellement de tenues de ville, je constate que pas mal d’entre nous ont adopté le look « entraîneur de foot ».

Vous savez, j’ai beau être un peu éloignée de vous, je vous vois, tous là, à traîner derrière vos fenêtres en survêt’ alors que vous pensez que personne ne vous regarde. Il faut avouer que, même si on regrette la situation, certains ont tout de suite vu l’avantage qu’il y avait à ne plus enfiler des fringues repassées tous les jours. Je vais vous avouer un truc : ça fait tellement longtemps que je traîne en mode détente que je ne suis pas sûre de savoir faire fonctionner une ceinture la prochaine fois que j’enfilerai un pantalon.

Et d’ailleurs, j’en viens au point de ma réflexion du jour : l’angoisse de l’enfilage du prochain pantalon. Y a déjà la question du mode d’emploi, je viens d’en parler. Dans quel sens ça se met ? Qu’est-ce que c’est que ces morceaux de tissu épais qui recouvre les deux jambes ? Comment appelez-vous cet objet étrange ? Un froc ? Un falzar ? Un pantalon ? On ferait pas mieux d’appeler ça « un pantalarge » ? L’habillement du déconfinement, personne n’en parle alors que ça sera aussi une question de première importance. Des fois, j’aimerais que les officiels s’expriment à ce sujet : « Dans un premier temps, nos concitoyens seront autorisés à venir travailler dans des tenues en tissu léger et extensible. Au vu des résultats, nous reviendrons vers des vêtements qui descendent en-dessous du genou, mais pas tout le monde ne même temps, nous aviserons au fur et à mesure… » Ben oui, c’est un discours en « Oui mais d’abord peut-être » qui a l’air de marcher avec tout, alors pourquoi pas nos fringues ?

Garde-robe vs. garde-manger

Mais pour être honnête (et je le suis toujours, vous le savez), le genre de pantalon que je porterai, c’est pas vraiment le problème. Ça m’a fait tilt l’autre jour quand ma copine avec qui je prenais l’apér…(hem !) travaillais sur un dossier par Skoïp, m’a dit : « T’as changé ma Zazie, tu fais genre 40, 41 ». J’étais un peu vexée, j’ai au moins dix ans de moins (qui a dit : « En années chien ? »). Quand j’ai compris qu’elle ne parlait pas d’âge, j’ai été vexée quand même. Je les avais pas vu venir, les tours de taille en plus, avec ces cochonneries de ceintures élastiques qu’ils mettent dans les « vêtements d’intérieur » (joggings, leggings, pyjamings et tutti-quanting). Franchement, vous me reconnaîtriez pas, vous qui avez l’habitude de me voir dans mon 36 (qui a dit : « En taille de chaussures ? » C’est quand j’ai demandé à mon mari ce qu’il en pensait que j’ai su. Vous savez, l’approche subtile : « Mon chéri, tu trouves pas que j’ai un peu pris ces derniers temps ? » Et là, la réplique qui ne trompe pas : « Naaaooon, j’ai rien remarqué. Pis de toute façon ma Zazounette, tu sais que je t’aime comme tu es… » Réaction de traître, mais au moins j’avais ma réponse.

Remarquez, lui, je te me l’ai gâté, avec sa bedaine galopante qui soulève tellement la couverture que je dors les pieds à l’air. Depuis trois semaines, j’ai remplacé tous ses pantalons par ceux de l’ado qui habite ici. 16 ans, vous savez, c’est l’âge où les garçons sont tellement minces qu’on a l’impression qu’ils sont construits en deux dimensions. L’âge où même une paire de bretelles trop courtes n’empêche pas leur pantalon de traîner par terre. Alors, le père de famille, quand il voudra rentrer là-dedans ça va lui faire un drôle de retour à la réalité, c’est moi qui vous le dis.

Une fois ma vengeance organisée, il me reste quand même à résoudre mon souci à moi. Et pour perdre en taille, rien de tel qu’un peu de sport. Question exercice, j’ai pas eu à me creuser la tête longtemps : deux fois par jour, j’essaie d’enfiler mon jean d’avant le confinement. Je vous assure qu’avec les suées et les contorsions que je donne, tout sera rentré dans l’ordre le moment venu !

Il y a longtemps, je vous ai parlé du retour du printemps et des oiseaux. Mais quand on est confinés, il y a un autre spectacle de la nature à observer dans les rues et les jardins : les chats (et un peu les chiens aussi). Mais depuis quelques temps, j’en viens à me demander si finalement, c’est pas eux qui nous observe.

De nos fenêtres, nos balcons, nous jardins ou les rares fois où on sort dans la rue, on les voit parce qu’ils sont partout. Et en particulier là où on ne les attend pas. Oui, oui, vous les avez reconnus, je parle bien des chats. Je voudrais léser personne et j’en profite pour rappeler que les chiens aussi sont des bombes à retardement pour les humains lâchés dans la nature. Qui c’est qui saute sur les clôtures en aboyant quand on revient d’acheter le pain ? Qui c’est qui hurle à la mort toute la journée chez le voisin absent quand on a décidé de faire une pause-café ? Et qui c’est qui a ruiné le coussin du canapé en mordant dedans pour mieux répandre des plumes partout dans le salon ? Notre ami le chien, ça va sans dire. Je sais qu’avec ce genre de description, on pourrait le confondre avec l’ado de la maison, alors je vous donne un truc pour les distinguer : y en a un qui fait sa toilette tous les jours et qui a de la reconnaissance dans le regard quand vous lui donnez à manger…

Mais la star de la rue, niveau ambiance, faut bien reconnaître que c’est le chat. Un seul principe dans la vie : ni dieu, ni maître. Ni logique, ni bon sens, ni respect, ni rien, j’aurais envie de dire. D’habitude, le chat des voisins, je le croise de temps en temps, on s’ignore un peu et on vit notre vie chacun de son côté. Mais confinement oblige, j’ai fait un peu plus attention à ses activités et je dois vous dire que c’est plutôt divertissant.

Tigre et chaton

Comme j’avais vu toutes les séries sur BêteFlix et que j’avais lu tout Cuicuipédia (deux fois), j’ai commencé à regarder dehors. Et c’est là que je l’ai vu, que je les ai vus en fait, parce qu’il faut dire que c’est tout un gang de chats qui traîne sous nos fenêtres à longueur de journée.

La première fois, j’arrosais les plantes quand un machin tigré et tout doux est venu se frotter sur ma jambe. Je me suis dit qu’une petite caresse, ça pouvait pas faire de mal. Monumentale erreur ! Sans le savoir, je venais de vendre mon âme à un démon qui ronronne. Le lendemain, il était étalé au soleil sur le balcon, bien au milieu pour qu’on ne puisse pas passer facilement en l’enjambant. Le troisième jour, il a miaulé comme s’il avait pas avalé une croquette depuis quatre semaines. Alors on lui a donné à manger. C’est ça qui a fait râler son (vrai) maître, qui nous a expliqué que le chat faisait ça sur au moins sept autres balcons de la résidence. C’est vrai qu’il est plutôt dodu, l’animal. Et les jours d’après, ça a été l’escalade : une patte à l’intérieur de l’appartement, deux pattes, le museau, puis toute la bestiole, bientôt installée sur le canapé en train de faire sa toilette (très intime – z’avez remarqué la souplesse de ces animaux?), couchée sur la télécommande,… Je vous jure, à un moment, j’ai cru que mes beaux-parents étaient revenus « passer des vacances » à la maison tellement on était envahis !

Heureusement, j’ai su mettre le holà : « Ho là, j’ai dit, le chat, c’est dehors, chacun chez soi et les chatons seront bien gardés. » Parlant de chatons, je peux dire qu’on a été bien servis parce que figurez-vous que ce noble animal a trouvé qu’il avait été tellement bien accueilli chez nous qu’il a ramené sa fiancée pour faire une portée de huit boules de poils, tout le monde niché sur le transat du balcon, ça va sans dire. Quand je pense à ma sœur qui me dit qu’on sait pas recevoir nos invités…

La nouvelle est tombée, c’est la cheffe qui nous l’a annoncée : on va bientôt être réunis. Bon, pas d’inquiétude, on ne va pas briser les règles du confinement, on va tous rester à la maison en sécurité mais grâce à l’internet, tout le service va pouvoir se retrouver pour une visio-conférence. Enfin, ça, c’est ce qui était prévu sur le papier…

Eh oui, en 2020, on peut se voir sans être dans la même pièce, en temps réel et en pixels et en ondes (c’est comme « en chair et en os », mais par le numérique). Il faut juste que sur nos téléphones, tablettes ou ordis, on se connecte à une application qui a accès à la caméra, au micro, notre carnet d’adresses et toutes nos informations personnelles depuis notre naissance et sur trois générations, et hop, simple comme bonjour, on est tous en train de discuter. Oui, je sais, la collecte de données, c’est pas terrible, savoir qu’une entreprise avec des gens qu’on ne connaît pas va presque tout savoir de nous, c’est un peu effrayant. Mais franchement, je me dis aussi que celui qui voudrait tout savoir des détails de la vie et des gouts de Zazie, il se prévoit un bon mal de crâne et quelques nuits de cauchemars. Tel est pris qui croyait prendre comme on dit.

Bon, une fois cette question réglée, il a bien fallu se rendre compte que pour une réunion virtuelle à 12 personnes, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Rappelez-vous, on a déjà parlé des difficultés de Papy-Mamy pour se parler à distance (mais si, c’était le 30 mars!). Pour le boulot, c’est presque pareil. Quand la cheffe a envoyé un message pour dire : « On va se parler dans 4 jours » (c’est un résumé, hein, elle écrit pas comme ça), je savais qu’on s’embraquait dans 4 journées d’angoisse.

3615 internet

On a commencé avec le collègue qui est resté bloqué dans les années 80 : « De quoi, de quoi ? Unapli, qu’est-ce que c’est unapli ? Brancher la caméra, mais j’ai plus de cassette qui vont dans le caméscope, moi ! Pis comment j’appuie sur la touche « Dièse » avec le cadran de mon téléphone ? » On s’est mis d’accord, on lui fera un résumé par fax… Et puis après, c’est la valse des choses qu’on n’aurait jamais voulu voir. Ben oui, l’avantage du terrain, c’est que chacun se met en condition « je suis au milieu des gens ». Là, c’est un peu différent. Caméra ou pas, on est tous à la maison, on pourrait donc dire qu’il y a une certaine détente dans la façon d’aller au boulot…

Vous connaissez N. ? Mais si, cette collègue qui nous parle de ses pyjamas en pilou depuis des années. On croyait tous à une légende, et ben je peux vous dire que depuis le jour de la visio-conférence, on sait que c’est vrai. Ok, ça valait pas JJ, qui n’avait pas jugé utile de se coiffer. Ni de mettre un t-shirt d’ailleurs… Lolo s’en serait peut-être rendu compte s’il avait pris la peine de nous regarder plutôt que de faire ses pompes avec haltères en nous parlant (je crois surtout qu’il les avait sorties juste pour l’occasion, en réfléchissant bien). Je vous passe le reste : les enfants des uns qui piquent le portable en pleine réunion, celle qui n’a pas rechargé sa batterie, celui qui n’a pas coupé la caméra pour sa pause toilette…

La visio-conférence, c’était un vrai challenge, comme qui dirait « un défi, une épreuve ». Ce qui faisait plaisir finalement, c’est qu’on s’est tous retrouvés quelque part, on a pu se revoir. Sauf la cheffe qui s’est rendu compte ce jour-là, du fond de sa campagne, elle avait pas assez de réseau pour participer à une visio-conférence…

Y va y avoir du sport (mais moi j’reste tranquille). Depuis le début du confinement, le lieu de vie est devenu une annexe de la salle de muscu, les adeptes du canapé ont décidé de se tailler du muscle, de se bonifier le cardio, de se dessiner l’abdo…

Vous l’aurez deviné, en temps normal, la perspective d’une activité sportive donne des sueurs froides à n’importe qui dans cette maison. Évidemment, en tant qu’adultes, ma moitié et moi-même avons l’habitude de dire qu’on va s’y mettre. J’ai l’impression que rien que de dire « Nan, mais là, on va débuter un programme sportif, toutes les conditions sont réunies », ça suffit à nous faire brûler 500 calories et gagner deux tailles de triceps. Pis attention, on fait pas les choses à moitié : achat de chaussures neuves, acquisition d’un tapis et d’une corde à sauter, installation de l’appli-conseil-coach pour bien mesurer les progrès et se fixer de nouveaux objectifs… pas question de se lancer à l’aveuglette, on n’est pas des amateurs. L’étude de terrain, ça s’improvise pas. Là, je peux dire que le terrain est bien étudié, vu que ça fait cinq ans que les baskets toutes neuves-jamais servies attendent dans le placard (je sais même plus lequel).

Mais les temps sont durs, y faut y aller. Vous me direz, c’est pas un peu bizarre d’attendre de devoir rester chez soi pour avoir une subite envie de se mettre au footing ? OK, mais il y a le sport à la maison. Même que des collègues ont lancé un programme de remise en forme tip-top. Y a pas à dire, c’est vivifiant. Il faut juste que j’arrive à gérer la grosse envie de sieste qui vient tout de suite après mais je sens que ça porte ses fruits, ces séances.

Sans sport et sans reproches

Le sport confiné, c’est aussi de la débrouille. Quand j’ai vu le plus grand ado de la maisonnée ouvrir un placard pour prendre deux boîtes de tomates pelées en conserve, je me suis dit qu’il avait compris que les repas ne sautaient pas tout seuls dans les assiettes. « Mais manman, qu’il m’a dit, c’est pour faire mes exercices, c’est des haltères… » Au fond, ça m’a un peu rassurée, ça aurait été un changement trop brutal. Je le laisse donc soulever 15 fois ses boîtes de conserve en criant comme une marmotte pour muscler les deux macaronis trop cuits qui lui servent de bras. Sans lui rappeler qu’il fait tout depuis 5 ans pour se faire dispenser de ses cours d’EPS au bahut !

Dans la famille sportive, y a aussi les deux sœurs, qui nous la jouent plus Vérona et Davinique en se livrant à des exercices de contorsion extrêmes. « Ca combine le cardio, la souplesse et la grâce », elles m’ont expliqué. C’est là qu’on se rend compte qu’il faut de l’entraînement, la performance est rarement naturelle. En les regardant, ça m’a rappelé la fois où j’avais mis les bottes de ma poupée au pattes du chat et qu’il arrivait plus à avancer sur le parquet de la cuisine. Pas élégant mais ça fait des souvenirs.

Y a pas à dire, je crois qu’on est plutôt une famille de musiciens… Pour l’instant, le seul exercice vraiment efficace, c’est nos éternuements quand on ouvre les fenêtres et que la nature réveille nos allergies printanières. C’est ce que j’appelle « la bonne pratique du spore ».

Au bout de plusieurs semaines, pour plein de raisons, je peux vous dire que rester à la maison, c’est pas des vacances. Parce que certains d’entre nous travaillent (à distance ou pas) et aussi parce qu’avec plusieurs spécimens à la maison, ça ressemblerait plus à un safari qu’à un club de loisirs…

Je commence par un petit retour en arrière : il y a presqu’un mois, un soir en rentrant à la maison, une des personnes qui habitent au même endroit que moi (j’ai du mal à croire que c’est « un membre de la famille »…) courait partout dans le salon en hurlant : « On reste à la maison, on passe du temps dans le canapé, on va se la couler douce… ». Là, je lui ai dit qu’il fallait tout de suite arrêter, quel exemple il donnait aux enfants, enfin voyons, non mais c’est vrai quoi à la fin. Et accessoirement, mon chéri et les enfants ont vite compris que le confinement, ça voulait aussi dire qu’on allait tous bosser (ses cours, ses dossiers, ses abdos et autres). À la maison, certes, mais bosser quand même.

Et puis il y a quelques jours, elles sont arrivées en vrai : les vacances de printemps. D’accord, il a fallu annuler le séjour chez l’oncle de mon cousin qui est aussi le fils de mes grands-parents et le mari de ma mère et qui est toujours prêt à nous accueillir dans sa maison à la campagne. Mais il y a aussi eu des mauvaises nouvelles ! Ben oui, adieu le hamac, la piscine et surtout le grand jardin qui permet de mettre un autre genre de distanciation sociale entre les enfants et moi. Très protectrice elle aussi…

Vacances j’oublie tout !

Non, cette année, on fait comme tout le monde, on va visiter Cuisine-sur-Salon, pas loin de Balcon-sur-Parking et des cascades de Toilettes-en-Delafon. On a réservé une chambre avec vue sur le mur de l’immeuble d’en face… Un chouette road-trip qu’on avait bouclé en 12 minutes à cloche-pied. Et là, le grand inconnu : qu’est-ce qu’on allait pouvoir faire ? Entre adultes, on savait bien que ce serait pas nous le problème. Franchement, on a suffisamment de bouquins pas lus, de murs du couloir à repeindre, de chaises à cirer et toute cette liste de choses qu’on n’a jamais le temps/envie de faire dans l’année. Non, le problème, c’est les plus jeunes, on en revient toujours au même point. Et je peux vous dire que les journées commencent tôt : « Manman, qu’est-ce que je peux faire, j’sais pas quoi faire… ». Ben déjà, tu pourrais aller te recoucher, il est 6h30. C’est là, vous découvrez qu’ils ont pas encore dormi de la nuit mais qu’ils sont déjà remontés comme des coucous.

Alors, on cherche et comme d’habitude, on trouve. Tiens, et on va regarder tous ensemble les photos  des voyages des années précédentes. On se met même en tenue de vacanciers, bermuda et claquettes pour en profiter encore plus. Évidemment, le pro de la technique avait effacé la moitié des photos et on avait surtout celles de notre séjour à Marseille, l’année où il a plu pendant un mois complet. Pas grave, il reste les films. Vous savez, ceux qu’on ne voit jamais parce que quand même, un coucher de soleil de 46 minutes, c’est beau mais c’est long. Et vous savez quoi ? Même cinq ans après, le film, il est toujours très, trèèèèèès long. Surtout quand on sait qu’à la fin, ben le soleil se couche (désolée si je vous gâche le suspense).

Moi dans tout ça (comme j’ai du temps pour moi), je me pose cette question : les télé-vacances ont-elles un avenir?

Au moment où je vous écris, un problème majeur se pose : c’est bientôt l’heure du repas. Je ne vous dis pas lequel parce que finalement, quand on reste à la maison, c’est presque toujours l’heure du repas. L’idée de manger, c’est pas le problème. Le problème, c’est : « Qu’est-ce qu’on va manger ? »

D’habitude, je ne me pose pas trop de questions sur la préparation des repas : on fait des courses, on range les courses et on sort les courses au moment où on va passer à table. Attention, c’est pas qu’on ne mitonne pas des bons petits plats. C’est juste qu’entre le boulot, les devoirs, les trucs et les machins, il faut songer à faire des plats rapides et efficaces. Par chez nous, on se répartit pas trop mal la tâche. Chacun assure son repas un soir sur deux, pas de pression, pas d’enguirlandade ! Je vous cache pas que c’est moi qui a les meilleures idées, mais bon, je suis sûre que mon mari dirait le contraire…

Et bien sûr, quand je dis qu’on se répartit la préparation des repas, je parle des adultes, les enfants sont hors-jeu. Déjà qu’on les entend soupirer comme un vent nord-nord-ouest de force 7 à 8 quand on leur demande de mettre cinq assiettes sur la table, je vous dis pas le drame s’il fallait faire chauffer une casserole d’eau.

Après, je me vante pas non plus. Les repas en semaine, c’est une collection de grands classiques : quiches lorraines, ratatouilles, pâtes classiques… Et puis le petit extra du week-end : un gigot des familles ou un poisson bien saucé. Ou une pièce de lotte confite et duo de petits pois, émulsion à l’huile d’olive noire du Pays Cathare et citron jaune. En toute simplicité, on sort pas de la cuisine à Jupiter comme dirait l’autre.

Des figues, des bananes, des noix

Mais depuis quelques semaines, s’agit de préparer à manger au moins deux fois par jour pour une petite tribu. Et se mettre au diapason des attentes de chacun. Entre les menus vegan, les sans gluten, les sans sauce, les sans légumes, sans viande et sans goût, c’est pas toujours facile de faire chauffer les poêles.

Surtout, il a fallu apprendre à lutter quand on entend : « On mange toujours la même chose… » Alors que franchement, on met du cœur à l’ouvrage. En une semaine, on a même réussi à proposer 14 recettes différentes à base de pâtes au beurre (oui, on a exagéré sur les stocks au départ, faut écouler). Je crois bien que pour la première fois de ma vie de Zazie femme-active-et-néanmoins-super-maman, j’ai entendu : « Nan, mais on pourrait pas manger des légumes de temps en temps ? ». J’ai cru que je rêvais. Du coup mes cocos, z’allez pas être déçus, ça va défiler les asperges, les patates douces, navets de saison… Vous en avez soupé des pâtes ? Dites bonjour à la courgette spaghetti, tiens ! Et tout ça en bio, local et équitable. Irréprochable qu’elle va être notre alimentation. Alors maintenant, je sais pas s’ils vont apprécier les nouveaux plats qu’on va leur faire, mais moi je peux vous dire, rien que de penser à leur tête, je me régale d’avance !

Ça faisait quelques temps qu’on en entendait parler, mais là, pas le choix : on s’y est mis, au télétravail. Alors attention, derrière cette grande idée, faut pas se tromper, ce n’est pas possible pour tout le monde. Mais pour ceux qui peuvent, on y va, avec pertes et fracas parfois.

Une fois n’est pas coutume, moi Zazie je m’en vais adresser une pensée sincère et émue pour bon nombre de nos collègues : je sais que le quotidien du travail vous manque. Difficile pour certains de réparer, tondre, embellir, apprendre à nager et j’en passe… à distance. Et bizarrement, autant on râle toute l’année chaque lundi matin, autant l’exercice de nos compétences professionnelles peut nous manquer. Et l’incroyable se produit : le confinement nous prouve que nous aimons notre métier et les missions que nous exerçons.

Mais je m’arrête là, on pourrait croire que je serais prête à renoncer à mes vacances et là, bon, quand même faut pas charrier.

Moi, je voulais revenir sur une idée encore nouvelle : le télétravail. Je me souviens des premières réunions où on a entendu parler de ça. Déjà, il a fallu calmer tous ceux qui ont imaginé qu’on allait nous installer des télés géantes dans les bureaux, juste avant le début des jeux olympiques. Le temps qu’ils comprennent, on a vu des grands sourires sur les visages. Et puis le gars qui était venu nous expliquer nous a dit qu’en fait, le télétravail, c’est quand on bossait, mais dans son chez soi.

CON-CEN-TRA-TION

A ce moment-là, on a été plusieurs à réagir. Des femmes surtout, me demandez pas pourquoi : du travail à la maison ? Ça s’appellerait pas des tâches ménagères et en temps cumulé, ça serait pas du 35 heures ou un peu plus, comme au bureau, finalement ?

Mais le gars nous a expliqué que non, ça on le ferait après (j’vous dis pas les regards noirs qu’il a reçus). Le télétravail, c’est quand on peut « exercer une partie de ses tâches professionnels depuis son domicile ». Je me souviens que le type a côté de moi m’a regardé tout fier en disant : « Ah mais ça, j’le fais déjà moi, j’ramène plein de dossiers chez moi ». Je lui avais dit que c’était surtout parce qu’il était en retard sur un peu tout, qu’il bossait de chez lui. Bref, à l’époque, on avait surtout compris que le télétravail, chacun avait un peu la définition qui l’arrangeait.

Mais aujourd’hui, l’heure n’est plus à la philosophie. Le télétravail, on y est. Je vous fais ma journée : le matin, bim, je me connecte. Je regarde les mails : tout va bien. Je prends un petit café. J’ouvre un dossier : ça s’ouvre pas, y a une mise à jour. Je prends un petit café. Je lis le dossier qui s’est enfin ouvert : le téléphone sonne (c’est un vendeur de fenêtres, je raccroche). Ça me contrarie, je prends un petit café. Je commence à rédiger des notes : ma fille entre en furie dans la pièce, elle a besoin de conseils pour ses maths. Je prends un petit café en l’aidant. Je reprends mes notes : je comprends rien, j’ai échangé mes papiers avec le devoir de maths. Comme je passe devant la cafetière, zou, un petit café. La cheffe me contacte sur WappSatt : non, j’ai pas fini de prendre les notes sur le dossier. Je vais aux toilettes (ben oui, 5 cafés quand même!)… Comme qui dirait, j’avance à mon rythme.

Mais ce qui est formidable, c’est qu’en me renseignant auprès des collègues, j’ai l’impression qu’on est tous dans le même bain : une organisation chaotique, des dossiers terminés sur le fil, des urgences à régler toutes les 30 secondes, mais on y arrive. Finalement, télé ou pas, le travail, ça se passe toujours un peu de la même façon !

Quand il y a du jeune à la maison, il y a souvent l’école qui va avec. En général, c’est l’endroit où on les envoie la journée, le soir en les récupérant on leur dit de faire leurs devoirs et une fois par trimestre on râle : « Nan mais t’as vu tes notes, va ptêt’ falloir s’y mettre là ». Ça, c’est ce que j’appellerais la belle vie, celle où c’était pas nous qui devions faire la classe à nos enfants…

Pour ce qui est de ma patience quand il s’agit d’aider pour les devoirs, je peux fièrement vous annoncer que non, non rien n’a changé, tout, tout a continué. Je ne sais pas ce que le confinement va modifier dans nos vies et nos habitudes, mais je sais déjà que je vais pas me reconvertir en prof.

Au début, c’était facile. Quand on leur a dit que le confinement, c’était pas les vacances, qu’ils allaient devoir continuer à suivre leurs cours, ça a tiré des têtes de six pieds de long. Moi, ça m’a bien plu de leur dire que les nuits de 16 heures, les jeux vidéo pendant 12 heures et les glandages de 9 heures, c’était hors de question (je sais, ça fait des journées de 37 heures, on va pas commencer à pinailler). Mais là, la nouvelle est tombée : il allait falloir faire classe à la maison, les profs enverraient les cours, il y aurait des aides en ligne et même la télé allait proposer des programmes pour bosser un peu. LA TELE ??? Mais dans quel monde on vit, j’vous jure ? La télé, c’est le truc qu’on accuse de vider la tête des enfants depuis un demi-siècle et là, pif-paf, ils se mettraient à dire des trucs utiles ? Ça m’a aidé à comprendre la gravité de la situation, mais j’étais pas au bout de mes peines…

Aplusbégalix

Bon, je laisse tout de suite de côté le sujet « télétravail » qui doit être cumulé avec les devoirs des chérubins, on en reparlera peut-être une autre fois. Non, là, c’est Zazie la prof qui parle, c’est déjà bien assez. On commence par les conjugaisons de la petite. J’vous le dis tout de suite, elle est pas au point niveau accord de verbes, on a souvent du « Quand je serais petite, j’allerais à l’école à pied » ou « Ils mangeâtent tous les gâteaux et eûmes très mal au ventre ». Au début, tout allait bien et puis on a senti que la situation jouait sur les nerfs du maître d’école. Les consignes étaient : « Vous conjuguerez au présent de l’indicatif les verbes « Sortir », « Se promener », « Gambader »… ». Et le poème, je vous le donne en mille : « Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai vois-tu… ».

J’ai décidé de passer au niveau collège, plus difficile. Je parle de l’élève, hein, pas du niveau. Ben oui, la voix qui mue et l’acné qui pousse, ça aide pas à devenir courageux apparemment. Donc, pour commencer, faut motiver les troupes et ça prend du temps. Pis faut dire qu’il a du mal avec la logique, en maths par exemple : « Si le train de 8h47 part à une vitesse de 125 km/h et parcourt 239 kilomètres en réduisant sa vitesse de moitié… », « quand est-ce qu’on mange ?? ». La dernière partie, vous aurez deviné, c’est pas la question de l’exercice, c’est l’ado qui souffle parce qu’il a déjà faim et surtout pas envie de faire des maths ! Ce qui est marrant, c’est quand on lui dit que « ça suffit la PléStéchonne, tu l’éteins maintenant », il nous répond aussi sec : « Mais ça fait à peine 3h30 que j’y joue, soit 210 minutes, soit moins d’un septième de la journée et 50% de mon temps passé à faire des devoirs… C’est trop injuste. » Je dirais pas qu’on a un génie à la maison, mais vous avouerez que la motivation, ça fait des miracles !

Et enfin, on a le lycée, mais là j’avoue que je suis dépassée. Je ne sais pas comment elle peut à la fois apprendre la politique napoléonienne tout en discutant en ligne avec ses copains/copines et en terminant un devoir d’arts plastiques. Elle a dû prendre des cours de magie, je vois pas autrement. En tout cas, moins surveiller celle-là, ça me permet de consacrer un peu de temps à l’éducation du plus grand de la bande : leur père à tous ! Je commence doucement en lui enseignant que, non, les chaussettes et t-shirts sales ne sautent pas dans la machine à laver, faut les y déposer. Pas évident, mais je suis sûre qu’au bout du confinement, j’aurais au moins appris un truc à quelqu’un !

En ce moment, on ne bouge pas, mais tout change. C’est fou comme à rester chez soi le temps qui passe ne défile plus à la même vitesse selon les moments de la journée. Je vous dis ça aussi parce que je viens de finir de préparer un gâteau. Et qu’il est 4 heures du matin…

Avant, quand j’étais au bureau, je ne risquais pas de rater l’heure : l’heure de la pause-café, l’heure du déjeuner, l’heure d’arriver, de partir, je crois que même l’heure de faire une pause aux toilettes, c’était toujours la même. Je passais ma journée avec l’œil collé sur la montre. Et sur l’horloge de l’ordinateur, la pendule du mur, j’avais même appris à deviner l’heure grâce au mouvement du soleil. Et pour les jours, pareil : personne aurait pu me faire croire qu’on était mardi alors qu’on était déjà jeudi! C’est facile, de toute façon, les jours, je les appelais pas « lundi, mardi, mercredi, etc. », je les appelais « week-end moins 5, moins 4, moins 3… ».

Mais là, je sais plus. Il faut dire que je ne suis pas aidée pour me repérer dans le temps. Déjà, on est passé à l’heure d’été. Classique vous allez me répondre, sauf que j’ai dit à la personne assise dans le canapé depuis deux semaines : « Tu trouves pas ça bizarre qu’on nous fasse changer d’heure un mardi?? ». Bon, lui il a rangé sa montre dans un tiroir depuis le début, il a du mal à se rendre compte. Il mesure le temps en « sieste » : « Chérie, on a pas mangé depuis au moins deux siestes et demie, c’est-y pas l’heure du goûter? »

Yes week-end!

OK, ce coup-là, je sais bien que c’est une feinte pour grignoter un peu plus. Mais quand même, le temps nous joue des drôles de tours. De rester à la maison, même en travaillant, ça nous enlève plein de choses comme par exemple le temps de trajet. Si c’est mon jour de préparer à manger, au moment où j’arrête de bosser, j’ai juste à traverser le salon pour être à la cuisine. Finis les embouteillages, les bus à attendre ou les trajets à pied sous la pluie. Du coup, le dîner est prêt à 18h15 heure locale. Et donc, à 20 heures, tout est prêt pour la soirée télé ou autre. Et comme d’habitude, je m’endors devant le film. Sauf qu’il est 20h47, pas 23 heures!

À force de me décaler comme ça, je crois que j’ai fini par gagner une ou deux journées. Je traîne en pyjama (on m’a appris à dire « vêtements d’intérieur », c’est plus chic) jusqu’à 15 heures, je dis que je prends ma douche en soirée quand il est 10 heures du mat’ et j’ai l’impression que le week-end va commencer dès le mardi soir. Sans compter que je traîne sur l’ordi jusqu’à pas d’heure dans la nuit. En fait, cherchez pas, le confinement ça modifie le temps : regardez, j’ai le rythme de vie d’un ado! Si ça c’est pas une preuve…

Le 1er avril à la maison, c’est pas des blagues. Après deux semaines de confinement, on commence à voir ce qui nous manque. Je ne parle pas de sortir, ou de voir des gens, ou de faire telle ou telle activité. Non, je dis qu’au bout de 15 jours, on commence à faire le bilan des choses qu’on a oubliées.

Comme tout le monde, avant de quitter le boulot pour une période encore inconnue, j’ai fait le tour de mon bureau, de mes tiroirs, de mon ordi… bref de toute ma vie professionnelle pour emporter ce qui me paraissait indispensable. Et c’est aujourd’hui que je me rends compte que l’indispensable, bah c’était pas forcément ce que j’imaginais…

Du papier et des stylos, par exemple, ça j’y ai pensé. C’est pratique, on note des choses à faire, on écrit des trucs qu’on entend, c’est le minimum. Simple, basique, comme dirait l’autre. Mais après, on n’a pas fait de hiérarchie au moment de partir. Et puis il faut dire, on n’avait qu’un petit carton, il a fallu faire des choix.

Bon, la photo des enfants posée à côté de moi sur le bureau, je l’ai pas emmenée. Tout de suite je me suis dit : « Tu vas les avoir en prise directe 24/24 pour les prochaines semaines, c’est p’têt aussi bien de pas multiplier les rappels… ». La plante par contre, je l’ai oubliée. Mais c’est pas ma faute non plus, je l’avais arrosée la veille, comment j’aurais pu imaginer que je resterais si longtemps loin d’elle?? Bon, sur ce coup-là, j’ai pu compter sur la chance : la cheffe qui passe et qui lui donne à boire. Le collègue qui vient de temps en temps fait pareil. Une camarade qui assure une permanence deux fois par semaine l’a aperçue par la fenêtre et verse un arrosoir, elle aussi… Moi qui avais peur que ma Dionaea muscipula meure de soif, v’là qu’elle risque de se retrouver noyée ! Mais donnez-lui donc des mouches de temps en temps aussi !

Petit inventaire

Dans le genre organique, je pense aussi souvent aux trois pommes que mon collègue a laissées sur son bureau. Ben oui, ce grand sportif fan de diététique ne mange que des fruits au goûter. Ça, on peut pas dire qu’il oublie de nous en parler. Mais ce qu’il a oublié, c’est d’emmener son stock avant de quitter les lieux. Le retour va être sympa, on va avoir tout un écosystème installé dans les bureaux. Surtout que je suis sûre qu’il a aussi « oublié » de remmener ses baskets, ça assurera la touche parfumée…

De mon côté, j’ai oublié : 1 agrafeuse, 3 surligneurs fluo, 8 gommes, des trombones, du scotch, mon calendrier géant avec la carte du monde à l’arrière et encore plein d’autres trucs. Mais je me suis surtout rendu compte que, finalement, je ne m’en servais jamais !

En tout cas, ce que je n’oublie pas – tout comme vous j’imagine -, c’est de penser à notre vie au boulot, celle qu’on a connue et celle qu’on connaîtra dans quelque temps. J’ai même tendance à me rappeler de tas de moments que j’avais oubliés et qui aujourd’hui me paraissent bien agréables.

Pendant qu’on est chez soi, on n’a jamais autant cherché à garder le contact avec les gens qui ne sont pas avec nous. Vous me direz que c’est normal, plus on est éloigné, plus on se rapproche. Enfin, pour qu’on puisse le faire, il faut parfois un peu de pédagogie…

À la maison, on a un nouveau rendez-vous : tous les jours vers 18 heures, v’là les enfants qui déboulent dans le bureau partagé/salle commune/espace de réunion (avant, ça s’appelait « le salon ») en hurlant : « C’est l’heure des narines à Papy, c’est l’heure des narines à Papy! ». Dit comme ça, c’est bizarre. Et si je vous l’explique, vous trouverez ça bizarre aussi mais vous comprendrez. Depuis deux semaines, tous les soirs, la famille se réunit pour appeler Mamy et Papy (à ne pas confondre avec Mamie et Papie qu’on appelle après). Et comme on vit en 2020, finit les coups de fil à l’ancienne, place à la modernité, place au futur et surtout, place aux ennuis.

Bah oui, parce que se téléphoner aujourd’hui, c’est se voir en même temps. On appelle ça : visio-conférence, vidéo-phone, télécran (ah non, c’est autre chose), bref, le truc où on voit les gens dans le téléphone comme s’ils étaient dans la pièce sauf qu’ils n’y sont pas.

« Appuyez sur le bouton… »

Mamy et Papy, ils sont plein de bonne volonté mais on peut pas dire que la numérique soit leur domaine. Quand on leur a proposé de se faire des « Spyke » – le fameux coup de téléphone filmé -, ils ont été emballés. Bon, quand ils ont vu qu’on se tassait à cinq plus le chien, le chat et les perruches dans un écran minuscule, ils ont été un peu déçus. Nous par contre, on peut dire qu’on les a découverts sous un nouveau jour.

Déjà, il a fallu expliquer que l’écran, s’ils le tournaient dans l’autre sens, c’est le papier du salon qu’on voyait, pas eux. C’est l’occasion de dire que les motifs à grosses fleurs orange, c’est plus la mode, mais bon… Et après, c’est tout un cirque. On entend des : « M’enfin, tu vois bien que c’est pas comme ça, là ils peuvent pas t’entendre », « Tu vois je t’avais dit qu’ils t’entendaient et en plus tu dis des gros mots devant les p’tits, de quoi on va avoir l’air », « Raaah, laisse-moi faire, tu sais bien que tu sais pas »… Et ça, c’est juste pour le son à mettre en haut-parleur.

Alors, pour l’image, on les laisse faire, personne n’a eu le courage de leur dire qu’il faut remonter la caméra pour qu’on les voie, que ça marche mieux si Mamy retire son pouce de sur la caméra, etc., etc. Ce qui fait que depuis deux semaines, on peut pas vraiment dire qu’on voit les grands-parents. On a vu leurs pulls (très jolis d’ailleurs), beaucoup leurs épaules et surtout leurs narines comme je le disais au début. C’est ce qui arrive quand on place le téléphone par en-dessous. Mais même par petits bouts, au moins on les voit et on sait qu’ils sont là avec nous. Et ça reste le principal!

La vie en confinement, c’est l’occasion de faire tout. Et un peu n’importe quoi. Ou plutôt n’importe comment. Mon idée, c’est que la période qu’on vit, c’est comme les résolutions du nouvel an, mais en plus costaud.

Je m’explique : depuis dix jours, je vois fleurir (au moins aussi vite que les fleurs sur le cerisier du jardin du voisin) un peu partout des promesses de faire plein de choses. Plein plein de choses, toutes les choses qu’on a toujours voulu faire sans en avoir le temps, et même un peu plus. Pour s’en rendre compte, allons faire un p’tit tour sur les rézosocios, nos meilleurs amis en confinement.

Là, des gens que je connais – mais surtout des gens que je connais pas – me disent tout fiers qu’ils vont profiter du confinement pour (re)lire tout l’intégral d’Émile Zola, à l’endroit, à l’envers et en faisant le poirier. Ou revoir tous les films de l’histoire du cinéma, par ordre de réalisation. Ou relever le défi de faire 8500 pompes sur deux doigts en une minute. Ou d’apprendre le grec ancien, mais avec une méthode en serbo-croate… Bref, tout plein de choses passionnantes et enrichissantes qu’on a jamais le temps de faire dans la vie normale.

Vous remarquez aussi que dans toutes ces idées, jamais personne ne dit qu’il va (re)lire tous les magazines télé qui traînent à la maison ou se refaire l’intégrale de « La p’tite maison dans la prairie ». Ah non, on a dit que des trucs qui vont nous rendre encore plus malins qu’avant, ta-ta-ta, pas le temps pour les loisirs, l’heure n’est pas à la détente.

Je fais ce que je dis, et je le montre!

Franchement, si la voisine du dessus avait choisi de se mettre à l’apprentissage de la langue des signes plutôt que de suivre des cours de cornemuse en ligne, ça m’aurait arrangée… Et puis il y  a ce truc rigolo aussi : faire partager ses nouvelles passions. Vous avez vu la vidéo de mon cousin sur Bacefook? Celle où il dit qu’il va lire Proust sur son vélo d’appartement en refaisant les étapes du Tour de France 2004? Bon, ben je peux vous dire que depuis, il a surtout passé son temps à lire les commentaires sous son message en répondant à tout le monde avec des pouces et des smileys. Au moins, il aura appris à se servir de Bacefook, c’est déjà ça…

Mais je parle, je parle, il faut que je vous laisse moi, c’est bientôt l’heure de notre réunion sur Instakilogramme pour apprendre à faire une pièce montée à la béchamel en moins de 17 heures. Depuis le temps que je voulais m’y mettre!

En cadeau, la chanson qui me trotte dans la tête quand je pense à tout ça ( ne me remerciez pas).

Il fallait bien qu’on en parle, on avait tout fait  pour se voiler la face, mais là plus possible de reculer, l’heure est grave : on doit rester dans un endroit où des ados sont en libre circulation! Et ça, ça demande une souplesse d’esprit à laquelle PERSONNE n’était préparé.

Les ados, c’est des spécimens que j’avais trouvé tout petits quand ils étaient mignons. Je les avais gardés et je m’y étais attachée. Et puis à un moment donné, ils ont grandi, ils ont mangé, beaucoup mangé, beaucoup beaucoup mangé. Et dormi aussi. Jusqu’il y a pas longtemps, il y avait des trucs pour nous soulager et les voir juste assez pour qu’on les aime encore : leur collège, leurs copains, leurs skéteuparks… Mais ça c’était avant et maintenant, on les a avec nous 24/24, peut-être même un peu plus.

En temps normal, pour les lever le matin, on doit s’y reprendre à trois fois : « C’est l’heure, debout, tu vas rater le bus… » avec en réponse « Mééé manmaan, chuis en pleine croissance, y’m’faut du sommeil ». Et là, comme par miracle, à 6h30, tout le monde debout, le nez dans le bol de céréales, prêt à traîner des pieds toute la journée en râlant comme les zombies de leur série télé préférée.

Entraide familiale

Heureusement (ou pas), il y a des choses qui ne changent pas : ils savent bien appliquer la distanciation sociale dès qu’il s’agit de filer le coup de main pour les tâches ménagères. « Mais manman, l’aspirateur, il soulève la poussière, ça peut être dangereux, moi j’y touche pas », « Mais manman, je veux bien faire cuire les steaks mais si jamais la poêle tombe et que je me brûle, je vais encombrer la salle d’attente du médecin, c’est pas raisonnable »… Franchement, celui qui a dit que les jeunes faisaient plus travailler leur imagination, faudrait qu’il voit à réviser son jugement, là, tout de suite.

Je crois que ce que je préfère, c’est cette soudaine envie de sortir partout, tout le temps. On peut pas aller faire les courses : c’est nul. On peut pas aller en forêt : c’est nul. On peut pas aller chez PapiMami, c’est nul… Je vous rappelle qu’on parle des ados, ces êtres étranges venus d’ailleurs qui, normalement, vous balancent des gros « PFFFFFé’chié » quand vous leur dites qu’on va aller faire un tour en famille. Ceux-là qui vivent les volets fermés pour entretenir leur teint de porcelaine de Limoges, ceux-là qui font des pétitions quand on limite leur temps d’écran à une heure par jour, ceux-là qui tombent en évanouissement quand ils entendent le mot « pique-nique ».

Mais finalement, quand je les entends râler, je me dis aussi qu’ils sont tous là près de moi et qu’on est bien ensemble. Et que leur envie de sortir, ça veut aussi dire qu’on va s’en sortir!

« Viens à la maison, y a le printemps qui chante »… Y a pas à dire, v’là une chanson qui n’a jamais aussi bien fonctionné qu’aujourd’hui. Eh oui, depuis hier, on est sortis de l’hiver (mais pas de la maison!), et les zoiseaux chantent. Faut reconnaître qu’on les entend très, très bien, les zoiseaux, vu qu’aucune voiture, camionnette, mobylette, trottinette ou je sais pas quoi ne vient troubler le calme de la rue. C’est sûrement l’occasion d’apprendre à reconnaître le chant des volatiles, en direct depuis ma fenêtre.

L’arrivée du printemps, ça fascine tout le monde. Hier, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, c’était parti vois-tu, ma copine qui m’appelle : « Wooouh, Zazie, mais tu te rends pas compte, tout ce que je découvre, toutes ces merveilles, toutes ces beautés! Les arbres qui éclosent, les fleurs qui bourgeonnent (ou l’inverse), c’est… c’est… mag-ni-fi-queuh! » Oui, c’est vrai que c’est beau, le retour de la vie dans les jardins, même derrière les carreaux, c’est serein les serins, c’est beau les corbeaux, c’est mignon les pinsons (et c’est c… les pigeons).

Mais le plus beau, c’est quand ma copine a continué : « Et tu sais quoi, ma Zazie, je suis bien contente de voir ça, ils font vraiment des chouettes reportages à la télé, on voit des belles choses! » Bon, après tout, pour découvrir que le monde est pas si moche, chacun voit midi à sa porte. Moi, j’ai choisi de voir le printemps à ma fenêtre.

Bon, je vous refais pas le film, vous savez tous où on en est. C’est-à-dire chez nous pour la plupart, avec nos questions, nos proches et même nos questions sur nos proches (j’y reviendrai). Mais allons-y étape par étape, vous savez bien que moi, quand il s’agit de donner mon opinion, c’est pas les virus qui m’arrêtent.

Donc, pour commencer par le commencement, j’aimerais qu’on revienne sur cette histoire de rayons dévalisés dans les magasins. Je suis comme vous, j’aurais entendu à peu près tout, genre « Je prends 28 packs d’eau parce qu’on sait pas », m’a dit un gars qui doute qui doit avoir peur que son robinet arrête de couler… J’ai regardé des gens qui achetaient 57 paquets de vermicelles. Faut vraiment avoir une passion pour la soupe à ce niveau-là. Je passerai sur ceusses qui ont acheté 30 kilos de riz et 300 rouleaux de papier toilette. Moi je dis, c’est l’un ou l’autre, on peut pas avoir besoin des deux en même temps!

Après, précaution oblige, il y a eu les queues devant les supermarchés : moins de monde que d’habitude, mais des files d’attente jusqu’au milieu de la route (heureusement que ça ne circulait pas). Pour tout vous dire, moi aussi j’ai fait mon plein, faut pas exagérer. Mais j’ai surtout eu une pensée émue pour ce monsieur qui est revenu se coller tout au bout de la queue alors qu’il était sorti du magasin dix minutes avant. « Ben oui, qu’il m’a dit. C’est idiot mais j’ai oublié de prendre de la moutarde… » Une motivation comme ça, ça mérite le respect.

Faire des réserves, raisonnablement, c’est plutôt pas bête. Pour moins sortir et moins s’exposer, c’est même plutôt malin. Le vrai problème de ce confinement, c’est des ados à la maison (j’y reviendrai) : on ramène trois paquets de gâteaux et deux boîtes de céréales, on leur dit « C’est pour au moins la semaine », ils te disent « Ouaaais, ‘maan (ou p’paa) » et BIM, vingt minutes plus tard, tu retrouves les paquets vides sur le canapé qui était pourtant tout propre (ça aussi, j’y reviendrai).

Bref vous voyez, pendant cette drôle de période, je crois que c’est plus des histoires à raconter que j’aurais en réserve, plus que des produits de première nécessité en tout cas!

 

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